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Le Prisunic de Juppé et ces autres marques déchues de la distribution

En citant "la vendeuse de Prisunic", le maire de Bordeaux a ressuscité une enseigne disparue depuis 2002.

En citant "la vendeuse de Prisunic", le maire de Bordeaux a ressuscité une enseigne disparue depuis 2002. - Source : blogdelvc.blogspot.fr

Alain Juppé a été allègrement moqué pour avoir cité le cas de la "vendeuse de Prisunic". Mais il a aussi, sans le vouloir, réveillé la nostalgie de ces enseignes disparues de la grande distribution. Tour d'horizon de ces marques qui font partie du patrimoine économique des "trente glorieuses".

La défunte enseigne Prisunic a eu ce week-end les honneurs d'Alain Juppé. Interrogé à propos du revenu universel, le candidat à la primaire de la droite et du centre a répondu: "Est-ce que tout le monde va le toucher, de madame Bettencourt jusqu’à la vendeuse de Prisunic ?". Il est vrai que la "caissière de Prisunic", à l'instar de "l'ouvrier de chez Renault", a longtemps incarné la catégorie sociale populaire dans le langage courant, mais cela date...

L'ex-Premier ministre a ainsi eu droit à son lot de railleries légitimes, Mais il a aussi suscité la nostalgie de ces enseignes défuntes. Toutes ont fait partie de l'histoire économique de l'après-guerre. Accompagnant l'ascension de la société de consommation, ces pionniers ont symbolisé la révolution qu'a consisté, pour le commerce de détail, le groupement d'achats, la coexistence des produits alimentaires et non-alimentaires dans les rayons ou... le libre-service. Revue de détail de quelques précurseurs du commerce moderne, certains nés avant la deuxième guerre mondiale, d'autres ayant accompagné la croissance de la consommation pendant les "trente glorieuses".

  • Prisunic. Ressuscitée involontairement par Alain Juppé, cette chaîne de commerce de centre-ville avait été lancée en 1931 par les Magasins du Printemps. Commerces populaires vendant des produits de grande série à des prix bas, ses magasins s'inspirent du concept des articles à prix fixes et ronds lancés juste avant par Uniprix et... Monoprix. Ce dernier rachètera l'enseigne en 1997 au groupe Pinault qui l'avait acquise en 1991. La dissolution totale de la société est prononcée en 2002. 
  • Felix Potin. Cette enseigne d'épicerie est née au XIXème siècle. Elle incarne à elle seule l'histoire du commerce en France. Novatrice, l'enseigne proposait dès 1870 la livraison à domicile et s'est mise dans les années 20 à proposer dans ses épiceries des articles non-alimentaires, incarnant le concept de supermarché avant la lettre. En 1980, la marque totalisait 1.300 magasins. Racheté par plusieurs propriétaires successifs, le groupe est liquidé en décembre 1995.
Alors que Félix Potin comprend près de 400 magasins et plus de 1.000 salariés, le groupe est liquidé en décembre 1995.
Alors que Félix Potin comprend près de 400 magasins et plus de 1.000 salariés, le groupe est liquidé en décembre 1995. © Licence Creative Commun 3.0. Wikipedia
  • Goulet-Turpin. Cette marque a totalement disparu en 1979, mais elle tient une place particulière dans l'histoire du commerce de détail français car elle lui a apporté deux révolutions pour l'époque. L'enseigne est d'abord à l'origine de la création du premier magasin totalement en libre-service en 1948 à Paris, puis celle, en 1958, du premier supermarché français doté d'un parking extérieur pour les voitures. C'est aussi à Goulet-Turpin que l'on doit l'arrivée en 1972 du premier fast food français à Reims sous le nom de Chicken-Food.
  • Codec. Fondée en 1924, cette enseigne incarne l'adage "l'union fait la force" appliqué au commerce de détail. Coopérative de détaillants, elle met à leur disposition une centrale d'achat qui leur propose une large gamme de produits dont des produits de marque distributeur. Dès 1927, les clients trouvent dans les rayons des conserves de légumes Codec. L'enseigne grossit par croissance externe (rachats des enseignes Viniprix, Maxi Coop, Point Coop), comme ses grands rivaux. Codec est placé en redressement judiciaire en 1990 et se rapproche du groupe Promodès. L'enseigne appartient ensuite au groupe Carrefour que ce dernier a racheté à Promodès. Au début des années 2000, les magasins Codec, deviennent soit des Shopi soit des 8 à huit. D'autres rejoignent des groupements d'indépendants concurrents, comme Système U. 
  • Unico. Comme la précédente, cette coopérative de détaillants est née en 1924. La marque Unico est d'abord une marque de produits alimentaires et des produits d'entretien que distribue des détaillants. En 1950, Unico regroupera 130 sociétés coopératives puis donnera naissance au groupe Système U en 1975. Progressivement, les enseignes Unico seront remplacées par des magasins Super U, Marché U ou Hyper U. En 1997, les derniers magasins Unico sont remplacés par l'enseigne Utile.
Mammouth a été absorbé par le groupe Auchan via les Docks de France.
Mammouth a été absorbé par le groupe Auchan via les Docks de France. © Wikipedia.
  • Mammouth. L'enseigne incarne le "modèle" des hypermarchés à la française, installés à la périphérie des villes et dotés d'immenses parkings. Apparue en 1968 et connue pour son slogan devenu culte "Mammouth écrase les prix", elle n'était pas au départ la propriété d'un groupe de distribution mais celle d'une centrale d'achat (Paridoc) utilisée par plusieurs distributeurs dont les Docks de France qui rachèteront Paridoc en 1993. Le groupe Auchan rachète Docks de France en 1996. En 2009, le groupe nordiste ferme le dernier magasin à l'enseigne Mammouth.
  • Continent. Créée en 1972, l'enseigne a appartenu au groupe normand Promodès qui avait décidé à l'époque de s'affranchir de l'enseigne Carrefour qu'il avait commencé à utiliser en 1970. En 1999, Carrefour et Promodès annoncent leur intention de fusionner l'ensemble de leurs activités. Dès 2000 il est décidé que l'enseigne Continent disparaîtrait quasiment du jour au lendemain au profit de Carrefour. Ce qui fut fait.

La concentration dans la grande distribution a fait mourir nombre d'enseignes

La liste est longue des enseignes de supermarchés ou d'hypermarchés ayant disparu ces 25 dernières années. La principale cause de ces disparitions fut l'accélération du mouvement de concentration dans ce secteur, provoquée par des lois durcissant les autorisations d'ouverture de nouvelles grandes surfaces. Voici une liste (non exhaustive) de ces marques défuntes.

  • Rallye : créée en 1945, ce fut une enseigne d'hypermarchés de 1968 à 2002. Après son rapprochement avec Casino, ses hypermarchés et supermarchés passeront sous l'enseigne du groupe stéphanois (principalement Géant). L’enseigne Rallye disparaît en 2005.
  • Euromarché : le premier magasin a ouvert en 1968 avec sa célèbre enseigne de couleur orange. Mais en 1991, son grand rival, Carrefour, rachète le groupe. Certains magasins franchisés rejoignent d'autres enseignes de distribution. La marque finira par s'effacer totalement du paysage commercial français au milieu des années 2000.
  • Comod : née au Mans en 1928, la société des comptoirs modernes a lancé son premier marché à l'enseigne Suma à côté de ses supérettes et supermarchés. En 1998, Carrefour lance une offre publique d'achat (OPA) sur les Comptoirs modernes et s'empare des enseignes Stoc, Comod et Marché Plus. Au début des années 2000, l'enseigne Comod disparaît peu à peu pour s'éteindre définitivement en 2005.
Frédéric Bergé