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Transports

Le projet d’Alstom pour racheter à Bombardier ses activités ferroviaires 

Le groupe français discute avec son rival canadien en vue de créer un géant du rail. Une transaction largement à l’avantage d’Alstom et de son PDG, Henri Poupart-Lafarge, qui conserverait la tête du nouvel ensemble. Un conseil d’administration est prévu mardi.

C’est le patron de Bombardier qui a approché celui d’Alstom pour relancer des discussions entre leurs groupes. Depuis quelques semaines, les deux groupes discutent d’une alliance comme l’a révélé Bloomberg. Selon nos informations, le projet envisagé consiste à une vente des activités ferroviaires de Bombardier à Alstom. "Il ne s’agit pas d’une fusion entre égaux, précise une source, mais bien d’un rachat par Alstom". Concrètement, Alstom absorberait la branche ferroviaire de Bombardier, ce qui permettrait au PDG, Henri Poupart-Lafarge, de conserver la tête de la nouvelle entité. Contactée, la direction du groupe n’a pas souhaité commenter.

Pour le moment, de nombreux éléments du projet ne sont pas fixés et encore en discussions. Comme le prix de la branche ferroviaire de Bombardier qu’Alstom est prêt à payer. "Elle vaut environ la moitié d’Alstom", assure un bon connaisseur, soit environ 5 milliards. Mais le prix dépendra du montant de dette de Bombardier qu’Alstom récupérera. "C’est l’objet des discussions, confirme un proche d’Alstom. Tout dépend de de dette que Bombardier "laissera" dans sa branche ferroviaire".

Le Québec prêt à entrer au capital d'Alstom

Le financement de l’opération est aussi en jeu. Alstom paierait la transaction en partie en cash nécessaire à Bombardier pour se désendetter. Le groupe français paierait aussi une autre partie en actions Alstom pour limiter son chèque. Selon plusieurs sources, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), actionnaire à 30% de la division ferroviaire de Bombardier, serait prête à recevoir en échange des actions Alstom. CDPQ deviendrait ainsi actionnaire du groupe français à hauteur d’environ 10%. Un niveau comparable à ce que conserverait le groupe Bouygues, qui passerait de 15% aujourd’hui à 10%. Les bonnes relations entre les familles Bouygues et Beaudoin, propriétaire de Bombardier, devraient aussi faciliter une opération avec Alstom plutôt qu’un concurrent.

C’est la troisième fois en cinq ans que les deux groupes envisagent une alliance. Mais en 2015 et en 2017, Alstom avait considéré les exigences financières de Bombardier trop élevées. Rien ne sera décidé "avant quelques semaines" assure un proche d’Alstom. D’autant que pour faire monter les enchères, Bombardier discuterait aussi avec l’allemand Siemens, le japonais Hitachi voire avec le géant chinois CRRC. Le canadien devrait préciser ses intentions lors de la présentation de ses résultats annuels le 13 février.

Car Bombardier est dans une mauvaise passe. Mi-janvier, il a dévoilé de mauvais résultats et étudie toutes les options stratégiques pour se désendetter. Le canadien croule sous 9 milliards de dollars de dettes, pour un chiffre d’affaires de 18 milliards. Il multiplie les difficultés dans sa branche aéronautique. Et sa division ferroviaire, qui était jusqu’ici rentable, a essuyé une perte de 230 millions de dollars à fin 2019.

Bruxelles plus souple que pour Siemens

Au-delà du volet financier d’une éventuelle opération, les aspects réglementaires restent majeurs. Il y a un an, la Commission européenne avait refusé le mariage entre Alstom et Siemens. Son veto semble cette fois moins risqué. La nouvelle présidente de la commission, Ursula von der Leyen, a promis de modifier la doctrine européenne sur la concurrence. Même la commissaire en charge de ces questions, Margrethe Vestager, qui s’était opposée à l’alliance entre Alstom et Siemens, a reconnu qu’il fallait "actualiser" ces règles. "On est plutôt optimiste, estime un proche d’Alstom. Il y a moins de problème qu’avec Siemens". Cette fois, Bruxelles pourrait même "aider" Alstom. Elle pourrait préférer que Bombardier, très présent en Europe, se marie plutôt avec Alstom qu’avec Siemens. L’objectif européen étant de conserver deux géants, Alstom et Siemens, plutôt que de renforcer le leader allemand.

Enfin, dernier écueils de taille : l’emploi en France. Bombardier dispose d’une usine importante à Crespin dans le Nord, de 2.000 salariés. Quand Alstom en compte 8.500 avec surtout trois grosses usines de production à Belfort, La Rochelle et Reichshoffen. "Les carnets de commandes des deux entreprises sont pleins donc les sujets sociaux seront gérés", assure un proche d’Alstom. Nul doute que le gouvernement sera attentif à ce point. Pour l’heure, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a déclaré jeudi sur BFM Business qu’"il y aura un mouvement de consolidation dans l'industrie ferroviaire dans les années à venir". Une manière d’approuver une nouvelle tentative de mariage d’Alstom.