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Le reverse mentoring: quand les juniors forment les seniors

"À l'heure de la révolution numérique, le mentoring fonctionne désormais à double sens: les entreprises sollicitent les plus jeunes pour former les plus gradés à l'utilisation des outils digitaux. Un moyen aussi de fédérer les générations."

Le concept du mentoring est inspiré de la mythologie grecque. Ulysse, alors qu'il s’apprête à partir faire son Odyssée, demande à son meilleur ami qui est fidèle et sage de conseiller son fils, Télémaque, pendant son absence. Cet ami s’appelle Mentor.

C’est de là que vient le terme. De là aussi que vient l’idée qu’un mentor est un senior qui prend un junior sous son aile. Sauf qu’aujourd’hui, avec la révolution numérique, le mentoring fonctionne aussi dans l’autre sens. Le "reverse mentoring", ou "mentorat inversé", c’est quand le jeune transmet au senior ses connaissances sur les nouvelles technologies, le big data, les réseaux sociaux. Tous ces outils avec lesquels il est né et qu'il maîtrise sur le bout des doigts.

Toutes les entreprises s'y mettent

L'idée a percé dans les années 90 chez General Electric. Le PDG de l’époque, Jack Welch, se rend compte que les membres de son top management ne connaissent rien aux nouvelles technologies. Alors que lui sait déjà qu'elles vont révolutionner la manière de faire du business. Donc il a l'idée de former des binômes dans lesquels les derniers arrivés forment ses directeurs.

À l’époque, on parle seulement d’envoyer des emails, de faire des calculs avec Excel et des présentations Powerpoint. On n’en est pas encore aux iPhone, à Twitter, aux outils d’analyse de données. Aujourd’hui, toutes les entreprises cherchent à apprendre de leurs "digital natives". Unatti, le spécialiste du mentoring, travaille avec Engie, Danone, L’Oréal, Orange, la Société Générale. Victoria Pell, la présidente et fondatrice d'Unatti, explique mettre en place avec ces entreprises des plateformes de gestion de programmes de mentoring. D’autres ont développé des outils internes, comme Axa, Sanofi ou encore Accor, qui a mis en place des "shadow Comex" où juniors et seniors se retrouvent régulièrement pour échanger sur l'avenir des affaires.

Un moyen d'intégrer la génération Y

Et finalement, les jeunes ne forment pas leurs aînés qu'au digital. Ils leur apportent aussi des connaissances sur la fameuse génération Y. Cette génération peu fidèle à l'employeur, peu docile, et dont l'intégration est vue par les cabinets de RH et de management comme un vrai défi. Donc les juniors expliquent à leurs aînés ce qui compte à leurs yeux pour s’épanouir au travail: donner un sens à sa mission, se pencher sur les questions de bien-être au travail, miser sur le collaboratif…

Ainsi, le reverse mentoring devient un moyen de mieux appréhender cette nouvelle génération. La semaine dernière, le média Atlantico racontait que des experts auto-proclamés de la génération Y vendaient à prix d’or leurs conseils aux employeurs. Ils prétendent leur apprendre comment fidéliser et intégrer les trentenaires. En réalité, nul besoin de rémunérer ces conseillers. Le mentorat inversé rapproche des générations qui ont chacune un savoir-faire à transmettre. 

Nina Godart