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Energie

Le scénario de l’Etat pour réformer EDF

Le PDG d'EDF, Jean-Bernard Levy, et Emmanuel Macron.

Le PDG d'EDF, Jean-Bernard Levy, et Emmanuel Macron. - GUILLAUME SOUVANT / AFP

Le gouvernement a demandé à EDF de réfléchir à l'évolution de son périmètre. Edouard Philippe n'exclut pas que l'Etat monte au capital. En réalité, l'électricien a déjà un plan dans ses cartons. Il prévoit une nationalisation du nucléaire et une privatisation des énergies renouvelables.

La grande réforme d’EDF est lancée. Après la SNCF et La Poste, le gouvernement lance la refonte d’une troisième entreprise publique en trois ans. 2019 sera l’année de la restructuration d’EDF. Le Premier ministre, Edouard Philippe, a reconnu avoir demandé à EDF de lui proposer des schémas d’évolution de sa structure. En réalité, les grandes lignes du projet sont déjà prêtes. Le groupe travaille dessus depuis plusieurs mois. Le premier schéma remonte même à 2015… Il avait d’ailleurs été préparé par l’ancien directeur financier d’EDF, Thomas Piquemal et présenté à tous les candidats à l’élection présidentielle dont Emmanuel Macron et Bruno Le Maire.

Le postulat de départ est clair : le coût du nucléaire ne cesse d’augmenter, les investisseurs n’en veulent plus et il pèse trop sur le cours de bourse. « Le nucléaire ne peut plus être soumis aux aléas du marché, explique une source proche du groupe. Il faut le sanctuariser ». Créer une « bad bank », une structure de défaisance, diront d’autres… L’objectif de la réforme d’EDF est d’isoler le nucléaire du reste des activités pour donner de l’air au groupe.

Privatiser les énergies renouvelables

La scission n’a jamais été envisagée car elle déclencherait la colère des agents de l’entreprise publique, syndicats et CGT en tête. Le stratagème consiste à créer une structure au-dessus d’EDF, détenue à 100% par l’Etat, qui abriterait cette nouvelle filiale, le « nucléaire de France » à 100%. Concrètement, cela reviendrait à nationaliser la totalité de l’activité nucléaire. Ensuite, elle serait régulée par des prix fixes, décorrélés des prix de marché, pour garantir des revenus stables.

Ensuite, il s’agirait de « remettre en bourse » le nouveau périmètre d’EDF, composé des énergies renouvelables, des réseaux de distribution (Enedis) et des services. En contrepartie de la nationalisation du nucléaire, l’Etat pourrait ainsi privatiser le reste des activités d’EDF. « En sanctuarisant le nucléaire, il peut politiquement justifier de descendre à 30% dans les autres métiers, explique un proche d’EDF. Comme il l’a déjà fait chez Engie ».

Cette cession de parts pourrait « permettre à EDF de lever plusieurs milliards d’euros pour financer le développement des énergies renouvelables, ajoute un bon connaisseur du dossier. Et à l’Etat de récupérer une belle somme ». Lorsqu’il était ministre de l’Economie, Emmanuel Macron avait signé en 2016 un chèque de 3 milliards d’euros pour la recapitalisation d’EDF. Il semble que le moment soit venu pour le Président de la République de réaliser son retour sur investissement.

Reprise d’une partie de la dette par l’Etat?

Reste toutefois pour l’entreprise et son actionnaire à 84% à régler deux problèmes. D’abord, celui de la dette de 37 milliards d’euros. Dans quelle entité la placer ? Le nucléaire nationalisé ou les énergies renouvelables privatisées ? Trop lourde pour être supportée par l’une des deux, il sera surtout difficile d’en loger une partie dans l’activité qui restera en bourse. « On ne va pas demander des milliards d’euros aux investisseurs pour une entreprise endettée ! » souligne un dirigeant d’EDF. Se pose alors la question d’une reprise par l’Etat d’une partie de la dette du groupe. Une question épineuse comme elle l’a été pour celle de la SNCF… Car elle augmente à nouveau la dette de l’Etat.

Il faudra également convaincre Bruxelles des bienfaits de ce projet. Renationaliser une partie de l’ancien monopole dans un secteur qui peine à se libéraliser depuis plus de dix ans ne sera pas facile. « Le seul obstacle, c’est Bruxelles, reconnait une source. Mais la structure prévue par EDF consisterait à ce que sa filiale nucléaire vende au même prix son électricité à tous ses concurrents. Bien sûr Engie, Total ou Eni, mais aussi aux activités commerciales d’EDF logées dans le « nouvel EDF ». La séparation de la production et de la distribution serait un gage important donné à Bruxelles pour valider le projet. Un chemin de longue haleine qui sera balisé dans un an pour être réalisé en 2020. Juste après les privatisations d’ADP et de FDJ, celle d’une partie d’EDF pourra être enclenchée.