BFM Business
Culture loisirs

Le studio Weinstein va déposer le bilan

Harvey Weinstein fait l'objet de multiples accusations d'agressions sexuelles.

Harvey Weinstein fait l'objet de multiples accusations d'agressions sexuelles. - Yann Coatsaliou - AFP

Criblé de dettes et éprouvé par le scandale touchant son cofondateur Harvey Weinstein, le studio éponyme a annoncé sa mise en faillite.

Après d'infructueuses négociations de reprise, la Weinstein Company, le studio fondé par Harvey Weinstein et son frère Robert, a annoncé s'apprêter à déposer le bilan, criblée de dettes et attaquée en justice pour avoir couvert les abus sexuels du producteur déchu.

"Tout en reconnaissant que cette solution est extrêmement dommageable pour nos employés, nos créanciers et toutes les victimes éventuelles, le conseil d'administration n'a pas d'autre choix que d'adopter la seule option viable pour maximiser la valeur restante de la compagnie: un processus de mise en faillite ordonné", a affirmé dimanche soir le conseil d'administration de TWC dans un communiqué.

La TWC a fait porter la responsabilité du futur dépôt de bilan sur les investisseurs emmenés par une ex-responsable de l'administration Obama, Maria Contreras-Sweet, et le milliardaire Ron Burkle, avec lesquels elle négociait un rachat depuis plusieurs semaines.

Dans une lettre publiée par les médias américains, la société leur reproche de ne pas avoir apporté "les fonds provisoires nécessaires" à la rémunération de ses 150 employés. Elle les accuse aussi de ne pas avoir, dans leur dernière proposition, répondu aux conditions posées par le procureur de l'État de New York.

Ce dernier avait bloqué la vente le 11 février, dénonçant un projet de reprise qui prévoyait alors que la nouvelle société soit dirigée par un responsable accusé d'avoir couvert le comportement de prédateur sexuel de Harvey Weinstein, David Glasser, directeur des opérations du studio et licencié depuis. Le procureur a aussi assigné le studio en justice pour ne pas avoir protégé ses employés des agissements d'Harvey Weinstein, lui reprochant de n'avoir jamais mené d'enquête malgré "le dépôt de dizaines de plaintes formelles et beaucoup d'autres informelles".

Maria Contreras-Sweet s'est dite lundi "surprise" de l'annonce de la fin des négociations. "Sur la base de nos discussions, je pensais que nous étions proches de signer une transaction dans les prochains jours, mais il semble que la transaction n'est maintenant plus envisagée", a-t-elle déclaré dans un communiqué.

Avec son projet de reprise lancé début novembre, elle avait espéré "créer une société dirigée par des femmes", et, dans le sillage du mouvement #MeToo, "servir d'exemple en changeant la culture du secteur" et en faisant du nouveau groupe un modèle de "gouvernance et de transparence", a-t-elle assuré.

Le procureur de New York s'est dit lui aussi "déçu" que les deux parties ne soient pas parvenues à un accord, malgré "des avancées claires" sur la question-clé du dédommagement des victimes. Il a notamment souligné que dans leur projet, évalué à 500 millions de dollars dont 225 millions de reprise de dettes, Contreras-Sweet et Burkle s'étaient "engagés à réserver 90 millions de dollars pour les victimes".

Clap de fin

Sauf nouveau rebondissement, le dépôt de bilan semble imminent pour la Weinstein Company, dans la tourmente depuis la publication des premières accusations contre Harvey Weinstein le 5 octobre. La plupart des projets qu'elle avait dans ses cartons sont suspendus. Les dates de sortie de films achevés comme "The Upside", un remake du film français "Les Intouchables", ou "The War with GrandPa", une comédie avec Robert de Niro, ont été repoussées sine die.

Les droits sur plusieurs projets en gestation ont été vendus, notamment ceux d'un film de Quentin Tarantino sur les célèbres meurtres commis par les disciples de Charles Manson en 1969, cédés à Sony.

Fondé en 2005 après que les frères Weinstein eurent revendu leur studio Miramax à Disney, la TWC, qui a produit notamment "Le discours d'un Roi", "The Artist" ou "Django Unchained", avait dès le 8 octobre écarté Harvey Weinstein de son conseil d'administration. Mais les accusations se sont multipliées. Plus d'une centaine de femmes, dont de nombreuses célébrités internationales comme Ashley Judd, Gwyneth Paltrow ou Salma Hayek, ont accusé le producteur de les avoir sexuellement harcelées, agressées ou violées. Plusieurs d'entre elles ont attaqué Harvey Weinstein et la TWC en justice. Deux assignations ont été déposées en nom collectif, qui pourraient se traduire par des millions de dollars à payer en dommages et intérêts.

Si le dépôt de bilan se confirme, il aura pour effet d'"arrêter les plaintes", selon le magazine Forbes. Les plaignantes qui ont attaqué simultanément la société et Harvey Weinstein n'auront plus qu'à qu'espérer que le producteur déchu puisse les dédommager sur sa fortune personnelle. F

ace au torrent d'accusations, les avocats d'Harvey Weinstein, 65 ans et père de cinq enfants, ont toujours démenti qu'il ait eu des rapports sexuels non consentis. Invisible depuis le début du scandale, il serait actuellement en traitement contre les addictions sexuelles dans un centre spécialisé de l'Arizona. Bien que les polices de Los Angeles, New York et Londres aient ouvert des enquêtes sur certains cas de viols ou d'agressions, il n'a pas été inculpé pour l'instant.

Y.D. avec AFP