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Transports

Excédés par Uber Pop, les taxis veulent faire la grève de l’impôt

Depuis le début de l'année, à Paris et dans les aéroports de Roissy et d'Orly, ses 80 boers ont interpellé 226 chauffeurs UberPop. Depuis novembre dernier, le chiffre s’élève à plus de 250.

Depuis le début de l'année, à Paris et dans les aéroports de Roissy et d'Orly, ses 80 boers ont interpellé 226 chauffeurs UberPop. Depuis novembre dernier, le chiffre s’élève à plus de 250. - Nicolas Tucat (AFP)

Alors que la police multiplie les interpellations de chauffeurs "hors la loi", les syndicats de taxis estiment que le gouvernement n’en fait pas assez face à la concurrence exercée par Uber. Ils lancent un ultimatum à Manuel Valls.

Les taxis en ont assez ! Confronté à la concurrence du service Uber Pop, qu’ils considèrent déloyale, ils s’apprêtent à mener une action spectaculaire. Cette fois, il ne s’agit plus de bloquer Paris. « Ce type d'action est trop impopulaire » reconnaît Didier Hogrel, président de la Fédération nationale du Taxi (FNDT). Leur nouvelle arme ? Une «grève fiscale et des charges sociales » si le gouvernement n’a pas réglé le problème dans les 15 prochains jours.


Depuis son lancement, le service d’Uber qui incite les particuliers à se transformer en chauffeur occasionnel a créé une polémique qui ne s’éteint pas. Et le géant américain du VTC fait même dans la surenchère en faisant la promotion d’Uber Pop à la radio. Un spot publicitaire suggère aux auditeurs de gagner 200 euros par semaine en devenant un chauffeur Uber Pop. "Et ça, c’est vraiment génial!", conclut la pub. Génial peut-être, mais légal ? C'est toute la question. Alors que la justice n'a, pour le moment, rendu aucune décision définitive sur le sujet, la police verbalise.

Dans les rues de Paris, ceux qui cèdent à cette promesse de gain s'exposent donc à de gros risques. "Un an de prison et 15.000 euros d'amende" précise le commissaire Pierre-Étienne Hourlier, patron de la brigade de prévention de la délinquance routière. Et ce n'est pas une parole en l'air.

226 interpellations depuis le début de l'année

Depuis le début de l'année, à Paris et dans les aéroports de Roissy et d'Orly, ses 80 "boers" ont interpellé 226 personnes qui pensaient, le plus souvent de bonne foi,que leur activité était parfaitement légale. "Ils ne se rendent pas compte des risques qu'ils prennent", déplore le chef de cette brigade qui s'étonne de la progression impressionnante de ces conducteurs occasionnels.

La loi interdisant depuis janvier à des particuliers de jouer les chauffeurs épisodiques est contestée par Uber devant les tribunaux, le conseil constitutionnel et la cour européenne. Et cet entre-deux n'a pas découragé les vocations. Bien au contraire. Cette activité s'installe dans le paysage parisien relève ce policier.

Le policiers n'ont pas attendu l'entrée en vigueur de la loi Thévenoud pour agir. Ils s'appuient en fait sur l'article L31.24.4 du code des transports. Ce dernier stipule clairement que seules les personnes disposant d'un permis professionnel, d'une police d'assurance adéquate et d'une formation, peuvent exercer cette activité.


En mars, Uber a modifié les conditions permettant de rejoindre le réseau Uber Pop. Sur son site, le groupe précise que désormais, pour exercer cette activité, il faut obtenir un certificat d'aptitude physique auprès d'un médecin agréé par la préfecture, souscrire une police d'assurance spécifique et créer une structure juridique.

Et pourtant, rien n'y fait, le nombre de chauffeurs ne respectant pas la loi ne cesse d'augmenter. "On ne voit ni d'avant, ni d'après", constate le patron des Boers. "La majorité des Uber Pop n’ont même pas le statut d'autoentrepreneur".

Le policier ne nous donnera pas sa méthode pour débusquer les chauffeurs "hors-la-loi". Il assure juste s'appuyer sur l'expérience de ses agents. Mais comme nous l'indique un taxi parisien, il n'est pas trop difficile de les repérer, surtout dans les gares ou les aéroports. "Ils s'approchent des voyageurs en disant "Uber" et se garent tous aux mêmes endroits."

En revanche, impossible de savoir si les "boers" se connectent à l'application Uber Pop pour connaître la localisation des véhicules, ou, mieux, pour se faire passer pour des clients.


Le gouvernement est sommé de trancher d'ici 15 jours

Mais, pour les syndicats de taxis, la coupe est pleine! Leurs 14 organisations professionnelles viennent d'adresser un courrier au Premier ministre. Elles lui donnent 15 jours pour régler le problème. Passé ce délai, elles promettent donc de mener une «grève fiscale et des charges sociales".

Sur Europe 1, Pascal Wilder, secrétaire général de la fédération nationale des taxis estime que "le gouvernement a tout à fait les moyens de faire cesser cette activité clandestine."

Les a-t-il réellement ? Peut-être pas, car la situation est bloquée. D'un côté, la police agit, de l'autre la justice, coincée par des questions constitutionnelles, ne rend pas de verdict clair. "Cette stratégie d'Uber impacte toutes les procédures", explique Séverine Bourlier, secrétaire générale du l'Union Nationale des Taxis, pour qui ce service autorise le travail clandestin. "C'est inconcevable pour des professionnels qui paient impôts et charges sociales d'être concurrencés de cette manière."


Lors de l'audience du 31 mars, la Cour d’Appel de Paris a rejeté les demandes d'injonction à l'encontre du service. Uber Pop peut donc poursuivre son activité le temps que la Cour de cassation se prononce sur la transmission du dossier au Conseil constitutionnel au plus tard le 30 juin. Mais apparemment, les taxis n'attendront pas cette date pour passer à l'offensive.


Pourquoi les policiers qui surveillent les taxis s'appellent boers

D’où vient le mot boers qui désigne les policiers de la brigade de prévention de la délinquance routière ? Rien à voir avec l’Afrique du Sud. Ce mot vient de l'argot russe. Il signifie "flic".

Poussés par la révolution à quitter leur pays, les russes "blancs" ont immigré en France et nombre d’entre eux sont devenus chauffeurs de taxis. Ces déracinés menaient parfois des activités louches. Ils utilisaient leur argot natal pour parler entre eux. Dès qu’un policier s’approchaient, ils disaient "boers". Et les agents de la force publique concernés ont fini par faire leur cette curieuse appellation.

Pascal Samama