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Les 5 idées de Vincent Bolloré pour relancer Canal Plus

L'industriel breton a décidé de migrer "les Guignols" vers le crypté

L'industriel breton a décidé de migrer "les Guignols" vers le crypté - Stéphane de Sakutin AFP

Le nouvel homme fort de la chaîne cryptée fourmille d'idées: réduction des émissions en clair, baisse du prix de l'abonnement, retour de l'ancien cryptage...

Vincent Bolloré, qui prétend vouloir sauver Canal Plus, est-il en réalité en train de lui porter préjudice? Tel était la thèse d'un article publié dimanche 18 octobre par Le Parisien et contesté par la chaîne (cf. ci-dessous). Cet article mettait en cause les idées lancées par le nouveau président du conseil de surveillance de Canal Plus. Revue de détail.

1-réduire les tranches en clair

"Si tout est en clair, il n'y aura plus d'abonnés. Le samedi et le dimanche, il y avait six heures en clair, c'était sans doute un peu trop. Il faut que cette partie en clair soit une savante alchimie, une promesse culturelle de découverte, d'analyse un peu différente. Si vous voyez ce que vous avez sur les autres chaînes, vous n'avez aucune chance de percer...", a expliqué Vincent Bolloré sur RTL. 

Mais pour l'instant, la seule émission retirée du clair sont les Guignols, qui seront désormais diffusés en crypté à 20h50. Cela a sans nul doute pénalisé les audiences du Grand journal: en effet, les marionnettes en constituaient le pic d'audience, avec 1,75 million de téléspectateurs lors de la dernière saison, selon Médiamétrie.

Vincent Bolloré a aussi remanié les émissions restant en clair, comme le Grand journal. Pour l'instant, ces nouvelles formules se traduisent par une chute d'audience de près de -40%, selon Médiamétrie. Ce recul d'audience entraînera forcément un recul des recettes publicitaires. Selon Le Parisien, la régie aurait déjà abaissé d'un tiers (de 150 à 100 millions d'euros) sa prévision de recettes publicitaires pour la saison actuelle, mais ce chiffre est démenti par Canal Plus. 

2-réduire les coûts des programmes

"Les émissions coûtent à peu près trois fois plus cher que la concurrence", déplorait Vincent Bolloré le 3 juillet sur Europe 1 au sujet des émissions en clair.

Il a donc entrepris de réduire leur coût. Selon Le Parisien, le Grand journal coûterait désormais non plus 25 millions d'euros par an, mais seulement 23 (chiffre démenti par Canal Plus). 

Surtout, réduire le coût des programmes s'avère parfois difficile. Ainsi, l'industriel breton, lorsqu'il a renégocié le contrat avec la société H2O de l'animateur Cyril Hanouna, a topé à 250 millions d'euros sur cinq ans, soit un prix 2,6 fois plus élevé que le contrat précédent. Selon une source interne, le contrat atteindrait même 300 millions d'euros sur cinq ans, en incluant tous les à-cotés (interrogé sur ce chiffre, Canal Plus ne fait pas de commentaire).

Une autre renégociation difficile s'annonce: celle des droits de la Premier League de football anglaise, qui ont été renouvelés avec une forte hausse dans d'autres pays. 

3-baisser le prix de l'abonnement

Le 24 septembre, lors de son audition devant le gendarme de l'audiovisuel, Vincent Bolloré a dit vouloir ôter à la chaîne cryptée son image premium et chère. Selon Le Figaro, il envisagerait pour cela de baisser le prix de l'abonnement, actuellement de 39,9 euros par mois (interrogé sur ce projet, Canal Plus n'a pas répondu).

Toutefois, la marge de manoeuvre est réduite. Une baisse de 5 euros du prix de l'abonnement dilapiderait 350 millions d'euros, soit la totalité des profits de Canal Plus et CanalSat réunis.

En outre, cela constituerait un retournement complet de stratégie. En effet, depuis sa création, la chaîne cryptée n'a jamais baissé son prix, mais elle n'a au contraire cessé de l'augmenter: l'abonnement coûte ainsi deux fois plus cher qu'il y a 30 ans. Et ces hausses de prix n'ont quasiment pas fait fuir les abonnés, qui considèrent Canal comme un produit premium qu'ils sont prêts à payer plus cher.

4-revenir à l'ancien cryptage

"Canal va reprendre son cryptage ancien, vous savez avec le criccrrccicro", a annoncé Vincent Bolloré sur RTL. C'est-à-dire reprendre l'ancien brouillage qui laissait entr'apercevoir les images, et qui était utilisé du temps de la diffusion analogique. Mais la diffusion se fait désormais en numérique, ce qui soulève des difficultés techniques.

Sur un réseau de type ADSL, un tel projet est faisable: il suffit de remplacer les bandes annonces promotionnelles qui sont actuellement diffusées en boucle auprès des non abonnés. En revanche, sur les réseaux de type TNT ou satellite, c'est plus compliqué. "Cela nécessite de diffuser en parallèle un second flux vidéo avec cette image brouillée", explique un spécialiste. Or ce second flux va forcément consommer des capacités. Deux solutions sont alors possibles: soit rogner sur les capacités allouées au flux de la chaîne cryptée, soit louer des capacités supplémentaires pour ce second flux, ce qui coûtera de l'argent et nécessitera l'accord du gendarme de l'audiovisuel, selon Satmag. Interrogé, Canal Plus dit que le projet est à l'étude. 

5-dépolitiser les programmes

Interrogé le 12 février sur France Inter au sujet des Guignols, Vincent Bolloré avait répondu: "parfois, c’est un peu blessant ou désagréable. Je trouve que se moquer de soi-même, c’est bien. Se moquer des autres, c’est moins bien".

Depuis, les marionnettes ne sont toujours pas revenues à l'antenne. Selon Medias le Magazine, elles feront leur réapparition d'ici un mois. Plusieurs journaux ont assuré que l'industriel breton y souhaitait moins de politique et plus de people -l'arrivée de Justine Bieber et Kim Kardashian a même été annoncée par le Monde

Même son de cloche concernant l'investigation. Le 16 septembre, interrogée en comité d'entreprise sur la déprogrammation d'un documentaire sur le Crédit mutuel, la direction a répondu: "la direction tient avant tout à défendre les intérêts du groupe Canal Plus, et estime qu’il est donc préférable d’éviter certaines attaques frontales ou polémiques à l’encontre de partenaires contractuels ou futurs", selon le procès verbal cité par Mediapart. Et lundi, Arrêt sur images a révélé que la chaîne cryptée avait aussi déprogrammé un documentaire sur la BNP.

Selon un témoin, Vincent Bolloré aurait même déclaré aux salariés de la chaîne cryptée être satisfait de n'avoir jamais reçu de protestations suite à un article paru dans son quotidien gratuit Direct Matin (interrogé sur ce point, Vivendi n'a pas répondu).

Un discours qui rompt radicalement avec le passé. Il y a un an, Maxime Saada (devenu depuis directeur général) assurait: "on peut tout dire sur Canal Plus. Nous sommes une chaîne libre… Je me demande encore pourquoi Cash Investigation n’est pas sur Canal Plus".

Le même concluait ainsi sa présentation des programmes de la saison en cours: "cette année, nous allons soutenir et appuyer ce qui fait notre différence: du grand spectacle et un esprit libre..."

Guerre ouverte avec Le Parisien

L'article publié dimanche 18 octobre par Le Parisien a provoqué lundi une chute du cours de -2,12% de l'action Vivendi, propriétaire de Canal Plus. Lundi soir, Vivendi a annoncé avoir demandé une enquête à l'AMF et préparer une plainte pour "diffusion d'information trompeuses".

Précisément, Le Parisien affirmait que le nombre d'abonnés de Canal Plus avait reculé de 10% en septembre, ce que Vivendi dément, assurant que "ce chiffre est positif".

Le Parisien a ensuite rectifié son article, pour déclarer que c'était le nombre de nouveaux abonnés qui avait reculé de 10% en septembre. Mais cela a de nouveau été démenti mardi par Vivendi, qui assure que le nombre de nouveaux abonnés à Canal Plus en septembre "est en réalité en hausse de plus de 20%". Canal Plus a précisé au Monde compter 43.900 nouveaux abonnés en septembre, contre 36.100 un an plus tôt.

Rappelons que la chaîne a commencé à perdre des abonnés bien avant la reprise en main par Vincent Bolloré. Depuis fin 2008, le nombre d'abonnés individuels en France métropolitaine a ainsi chuté de -433.000 (dont -56.000 entre mi-2014 et mi-2015). Mais ce chiffre inclut aussi les abonnés à CanalSat et CanalPlay, car les chiffres d'abonnés à la seule chaîne cryptée ne sont plus communiqués.

Le nombre d'abonnés (en milliers, Canal+, CanalSat et Canal Play inclus)

Fin 2008: 6397
Fin 2009: 6184
Fin 2010: 6154
Fin 2011: nc
Fin 2012: 6117
Fin 2013: 6091
Mi-2014: 6020
Fin 2014: 6062
Mi-2015: 5964

Source: Canal Plus, Vivendi
NB: abonnés individuels en France métropolitaine, hors Dom Tom

Jamal Henni