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Les 6 freins qui empêchent la France d'être un géant du numérique

La France a les moyens de devenir un géant du numérique, mais les bonnes volontés semblent s'essouffler selon ce rapport.

La France a les moyens de devenir un géant du numérique, mais les bonnes volontés semblent s'essouffler selon ce rapport. - Lionel Bonaventure - AFP

La France a longtemps été en avance dans le domaine du numérique. Mais depuis quelques années, elle perd du terrain. Un rapport de Roland Berger et Google France pointe les handicaps qui nous ralentissent, et par conséquent freinent la croissance.

Le numérique français est dynamique, nul n'en doute. La FrenchTech fait parler d’elle aux quatre coins du monde, les Français sont parmi les meilleurs clients des e-commerçants, ils sont à l’aise sur les réseaux sociaux, l'économie collaborative, le crowdfunding et s’équipent des appareils dernier cri pour mener une vie numérique exemplaire. Mais le tableau n’est pas aussi rose qu’il en a l’air.

Le cabinet Roland Berger et Google France publient un rapport intitulé "Notre pays face à la nouvelle donne numérique", qui présente une situation inquiétante. Après des années de dynamisme, la machine s'essouffle quand les autres pays d'Europe poursuivent les efforts.

Pour les auteurs de ce travail, la France dispose pourtant "d’une base solide pour devenir une puissance économique numérique". Ils estiment que le pays pourrait obtenir "un gain de 10% de PIB atteignables à horizon 2025, ce qui permettrait de créer 200 à 250 milliards d’euros supplémentaires de valeur par an". Le message s'adresse aux entrepreneurs, aux investisseurs, mais aussi aux citoyens et aux responsables politiques qui pourraient "faire revenir la France au niveau des leaders que sont les États-Unis, la Chine, le Royaume-Uni ou bien les pays nordiques". 

1 - L’éducation: la formation des enseignants

La France a fait entrer l’apprentissage du code dans les programmes scolaires en 2016. "C’est bien, mais il faut faire attention à ne pas réduire le numérique à cela", signale Elizabeth Bargès, directrice des politiques publiques chez Google France. "Il faut améliorer la formation des enseignants et l’accès à Internet dans les établissements scolaires, deux points sur lesquels les pays du Nord et de l’Est sont extrêmement dynamiques".

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- © Cabinet Roland Berger/Google France

En France, seulement 21% des lycéens ont face à eux un professeur formé quand la moyenne européenne est à 24%. En Lituanie, ils sont 74%, et 47% au Danemark. Sur l’accès à Internet, la France est à la 40e position mondiale, quand 97% des écoles estoniennes sont connectées.

2 - L’emploi: 50.000 postes non pourvus

Fin 2015, le secteur du numérique comptait 850.000 salariés, mais l’étude note qu’à la même époque, 42% des entreprises françaises rencontraient déjà des difficultés à trouver les compétences dont elles avaient besoin, contre 38% pour la moyenne européenne. Nous n’avons toujours pas assez de développeurs de logiciels, mais les start-up ont aussi besoin de développeurs web, de data-analysts, de responsables RH ou encore de comptables formés aux spécificités du numérique. La Dares (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques) estime qu’actuellement, 50.000 emplois ne sont toujours pas pourvus dans le numérique dont 20.000 développeurs.

3 - Les usages: 1 Français sur 10 n'a jamais utilisé Internet

Si les Français sont à la pointe de la consommation en ligne, 11% de nos concitoyens n’ont jamais utilisé Internet! La fracture numérique s’est réduite, mais la plaie est encore béante. Les premières victimes de cette situation sont les seniors et les personnes à faibles revenus.

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- © Rolande Berger-Google France

4 – La consommation: l'e-balance commerciale déficitaire

Sur Internet, les Français sont de bons clients, mais ils privilégient les plateformes étrangères au détriment des magasins en ligne nationaux. Ces usages provoquent "une balance commerciale du clic très déficitaire". En se basant sur des chiffres de l'OCDE, le rapport révèle que notre e-balance commerciale est en déficit de 715 millions d’euros quand celle des Britanniques présente un excédent de 895 millions d’euros.

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- © Roland Berger-Google France

Quant au mobile, la France est loin derrière ses voisins européens. Le commerce mobile représente 27% des achats en ligne contre 51% en Grande-Bretagne et 37% en Allemagne. "C’est le revers de la médaille, explique Nicolas Teisseyre, senior partner pour le cabinet Roland Berger. Nous avons des réseaux fixes d’excellente qualité dans lesquels les opérateurs ont lourdement investi ces dernières années, mais sur la 4G, nous sommes très en retard".

5 – L’investissement: l'État trop présent, le privé pas assez

Quel patron de start-up se risquerait à se plaindre de BPIFrance? Probablement aucun, puisque la Banque publique d'investissement est intervenue pour soutenir l'économie numérique qui est délaissée des investisseurs privés.

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- © Roland Berger - Google France

"On manque cruellement d’un soutien de croissance du privé", note Nicolas Teisseyre. "Par rapport aux autres pays d’Europe, ces investissements sont trop faibles et font courir un risque d’épuisement de ressources".

6 – Les entreprises: le "cloud" sous-utilisé

Les entreprises tirent-elles vraiment profit de ce que le numérique peut leur apporter? Pas tout à fait. L’accès à Internet par les salariés est dans la moyenne européenne, même si seulement 25% des entreprises équipent leurs salariés en outils mobiles. Le problème repose sur la stratégie. Le rapport note "un manque important de présence commerciale sur Internet" dans les PME.

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- © Roland Berger-Google France

Du côté des ETI et dans les grandes entreprises, le problème repose sur "un retard des outils avancés" et une sous-utilisation du Cloud qui est davantage utilisé dans les pays voisins. "Les entreprises se reposent sur les investissements dans les infrastructures et les solutions logicielles réalisées dans les années 1990/2000 et perdent aujourd’hui en efficacité et en agilité".

Pascal Samama