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Les agents immobiliers américains veulent la peau de ces Français qui s'attaquent à leur juteux business

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Ces trois Français installés à Miami ont créé un site de ventes immobilières de particuliers à particuliers d'un nouveau genre. Les agents immobiliers, qui contrôlent 94% du marché américain, voient rouge.

"Vous voyez les gros SUV de luxe dans la série Les Experts Miami? Eh bien je peux vous dire à qui ils appartiennent: aux agents immobiliers! Ici, aux États-Unis, ce sont les rois!" Nicolas Jodin, un Français installé aux États-Unis, n'est pas vraiment l'ami des agents immobiliers américains. Et pour cause avec le Beycome, un site qu'il a lancé en 2016, il s'attaque à leur très lucratif business. 

Il faut savoir que le marché immobilier américain est le plus important du monde. Les transactions représentent chaque année plus de 1000 milliards de dollars. "Les Américains changent de logement tous les cinq ans en moyenne, bien plus que les Français", explique Nicolas Jodin. Mais alors que dans l'Hexagone, 50% des ventes se font de particulier à particulier, le marché américain est toujours fermement tenu par les agents. 94% des ventes aux États-Unis passent par un agent dont c'est le métier. Chaque année, ils empochent ainsi 90 milliards de dollars de commission.

Le Uber de la vente immobilière?

Aux pays d'AirBnB, d'Uber et d'Amazon où la plupart des métiers traditionnels subissent la concurrence de nouveaux acteurs sur internet, la vente immobilière semble faire de la résistance. Et la raison est simple: les agents américains ont verrouillé le marché. Comment? Grâce au MLS, une base de données nationale qui recense tous les biens en vente au niveau national et que seuls les agents immobiliers peuvent renseigner. Or les sites de vente immobilières comme Zillow ou Trulia référencent les biens qui sont dans cette base pour avoir l'offre la plus large. Et lorsqu'un acheteur est intéressé par un bien, il est alors automatiquement mis en relation avec l'agent immobilier en charge du bien. "Il est quasiment impossible de faire du véritable PAP aux États-Unis", résume Nicolas Jodin.

C'est justement l'ambition de Beycome. Ce site lancé fin 2016 à Miami et qui vient de s'étendre à New York compte "disrupter" le marché de l'immobilier. L'idée est de mettre directement en relation acheteur et vendeur afin que la vente se réalise en direct, sans agent immobilier et donc sans commission. 

Insultes et intimidation des agents immobiliers

Pour cela ils ont conçu une plateforme où -comme sur un site de PAP classique- l'acheteur peut voir le bien directement posté par le vendeur, prendre un rendez-vous pour visiter. Il peut même faire une offre et remplir en ligne les documents nécessaires à la vente. Surtout le service est 100% gratuit, le site ne prend aucune commission et se rémunère en proposant des services payants facultatifs comme la mise en avant des annonces. "Les agents immobiliers ici prennent 6% de commission en moyenne, explique Nicolas Jodin. En un an, avec les 800 ventes que nous avons permis de réaliser, nous avons fait économiser 9,5 millions de dollars à nos utilisateurs rien que sur la région de Miami." Le site compte accélérer cette année en se lançant dans de nouveaux États comme l'Illinois, la Georgie, l'Alabama et le Texas. "Nous pensons aussi à la France pour se lancer notre service clé en main mais nous avons beaucoup à faire avant aux États-Unis", confie Nicolas Jodin.

Une ambition qui ne plait guère aux agents immobiliers américains qui craignent de voir leur précieuse manne s'envoler si ce type de service venait à s'étendre. "On nous accuse de prostituer l'industrie, de mettre en péril des milliers d'emplois", explique la patron de Beycome. Sur internet la page Facebook du site est régulièrement prise d'assaut par des agents qui s'en prennent au service et qui ne sont même pas de Miami, sur Instagram on se moque des panneaux "à vendre" qu'on envoie à nos utilisateurs en disant qu'ils ne servent à rien alors que nous vendons en moyenne nos biens en 86 jours alors que c'est 96 pour une vente classique. Et une fois un agent a trouvé mon adresse sur internet et est venu chez moi pour m'intimider."

Car les agents immobiliers sont aux États-Unis un très puissant groupe de pression. Réunis au sein d'une grande association nationale, ce sont de très gros annonceurs dans les médias américains. Ce qui n'est pas sans conséquence selon les Français de Beycome. "Il y a quelques mois, une équipe de CNN est venue nous filmer pour un reportage, raconte Nicolas Jodin. Tout s'est bien passé mais le reportage n'a jamais été diffusé. Nous avons rappelé le journaliste qui nous a expliqué que la direction avait mis son véto mais n'a pas voulu nous en dire plus." Après les hôtels et les taxis, les agents immobiliers ne vont pas se laisser "ubériser" si facilement.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco