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Les astuces de Heetch pour ne pas subir le sort d’UberPop

Heetch estime que son modèle est plus proche du covoiturage à la Blablacar, que de celui d’UberPop.

Heetch estime que son modèle est plus proche du covoiturage à la Blablacar, que de celui d’UberPop. - Bertrand Guay - AFP

Alors qu’UberPop a été interdit en France, Heetch est toujours dans le viseur de la justice. Pour l’entreprise, il ne faut pas confondre covoiturage nocturne et exercice illégal d’une profession réglementée. Taxis et VTC ne voient pas les choses ainsi.

Alors que le Conseil Constitutionnel a définitivement mis fin en France à l’activité UberPop, une autre société est toujours dans la cible des autorités. Heetch, dont l’application a été interdite le 25 juin, comme celles d’UberPop et de Djump, poursuit tranquillement ou presque son activité. Cette start-up française, qui présente son système comme une appli de "mobilité nocturne" a été créée par Teddy Pellerin en 2013. Elle revendique 5.000 chauffeurs et 200.000 inscrits, dont 100.000 actifs.

Il y a quelques jours, un chauffeur de VTC, dont la société n’a pas été révélée, a assigné l’entreprise en référé pour concurrence déloyale. Il exige la suspension de l’appli avec une astreinte de 50.000 euros par jour de retard et son avocat a déposé un recours le 14 septembre auprès du tribunal de commerce de Paris. Qu’importe, Heetch poursuit son business.

Chez Heetch, on ne paye pas, on contribue aux frais

Pour poursuivre son activité, l’entreprise a pris des précautions. Elle s’est insérée dans des créneaux horaires dans lesquels les taxis et les VTC sont encore peu compétitifs. Son périmètre horaire va de 20 heures à 6 heures et vise principalement la jeunesse noctambule à Paris et Lyon.

Elle s’est aussi engagée dans un modèle économique qu’elle estime plus proche du covoiturage à la Blablacar, que de celui d’UberPop. Les chauffeurs, des particuliers qui arrondissent leur fin de mois en transportant des personnes, ne perçoivent pas le prix d’une course. Ils "sont mis en relation avec des passagers qui peuvent, s’ils le souhaitent, contribuer aux frais annuels de leur véhicule."

Nous avons tenté de joindre l’entreprise qui refuse de s’exprimer au lendemain de la décision du Conseil Constitutionnel sur UberPop. Veut-elle se préparer aux attaques à venir ou éviter de braquer sur elle les projecteurs médiatiques ? Toujours est-il qu'en juillet, dans un entretien au Parisien, son fondateur réfutait l’illégalité de son activité. Il affirmait aussi que "d'un point de vue fiscal, c'est comme du covoiturage."

Un plafond annuel de 6.000 euros

Malgré ces arguments, taxis et VTC ne sont pas plus tendres avec Heetch qu’ils ne l’ont été avec UberPop. "Qu’ils soient Français ne change rien, ce n’est pas un problème de nationalité", estime Alain Griset, président de l’Union National des Taxis (UNT). "Heetch est dans la même configuration qu’UberPop, même s’ils disent que leur rémunération est une contribution. Pour nous, cela reste de la concurrence déloyale. Leurs chauffeurs ne payent ni TVA ni impôts, quand les professionnels eux participent à notre modèle social."

Sur ce point l’État est à l’affût. La semaine dernière, le Sénat a proposé un texte qui imposerait aux plateformes internet de communiquer la liste de leurs "travailleurs" et les revenus pour pouvoir leur permettre de s’acquitter des impôts.

Encore une fois, Heetch s’insère dans une faille. S’il admet un revenu annuel moyen de 1.500 euros par chauffeurs, il a établi un plafond de 6.000 euros à ne pas dépasser par an. Et comme nous l’a indiqué il y a quelques semaines une porte-parole de l’entreprise, "Seuls 3% des conducteurs, soit 150 personnes, atteignent le plafond de référence de 6.000 euros."

Toutefois, pour Teddy Pellerin, ces chauffeurs ne sont pas liés à son entreprise. "Personne ne travaille avec nous, Heetch n'est pas un travail." Quant à leur statut (salariés, autoentrepreneurs…), il n’y en a pas plus que chez les utilisateurs de Blablacar. Autant de points qui risquent de donner du fil à retordre aux tribunaux.

Mais pour l’instant, malgré les interdictions et une centaine de gardes à vue de chauffeurs qui risquent un an de prison et 15.000 euros d'amende, Heetch poursuit sa course aussi loin qu'elle le peut.

Pascal Samama