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Les caisses automatiques transforment-elles les honnêtes gens en voleurs?

Selon l'étude d'une criminologue britannique, les caisses autonomes inciteraient d'honnêtes clients à chaparder dans les magasins. Un comportement inquiétant alors que ces systèmes se développent dans les grands magasins.

En Australie, le directeur d’un magasin équipé de caisses en libre-service a été surpris de constater qu’il vendait beaucoup plus de carottes qu’il en avait en stock. L'énigme n’a pas mis longtemps à être résolue. Les clients étaient de plus en plus nombreux à faire passer les légumes coûteux, notamment les avocats, pour des carottes dont le prix est très bas.

Ce phénomène se développe au même rythme que se répandent les caisses automatiques dans les supermarchés du monde entier. En économisant le recrutement de salariés, les magasins craignent que les technologies causent de lourdes pertes. D’ici à 2019, 325.000 terminaux seront opérationnels dans le monde contre 190.000 en 2013.

Une étude dévoilée sur le site The Conversation a été consacrée au sujet par Emmeline Taylor, Maître de conférences en criminologie à l’University of London. Pour cette spécialiste, les swipers (chapardeurs en français) sont principalement des "honnêtes gens" qui proviennent de toutes les catégories sociales. "Les vols ne sont pas forcément motivés par l'argent, et ne sont pas commis par des personnes issues des classes économiquement et socialement défavorisées", explique Emmeline Taylor. La criminologue évalue ce fléau à 1,6 milliard de livres (1,81 milliard d’euros) par an en Grande-Bretagne où un client sur cinq admet avoir volé pour 15 livres (17 euros) par mois en moyenne lorsqu'il utilise ces caisses. "Certains suggèrent que les machines sont criminogènes et transforment des clients honnêtes en voleurs à l’étalage".

La compensation et la contrariété

Dans son étude, l’universitaire a classé ces comportements en deux catégories. En premier, ceux qui volent "accidentellement" en se trompant lorsqu’ils enregistrent leur achat. En second, les clients qui scannent des produits moins chers que ceux qu’ils mettent dans leur caddie. Deux raisons poussent ces swipers à franchir la ligne blanche : la compensation et la contrariété. "Dans le premier cas, la personne explique qu’en volant elle compense le manque de service client et l’obligation de se servir soi-même. Dans le second, elle se justifie en blâmant les problèmes liés aux codes-barres ou à la technologie".

En France, certaines grandes surfaces qui proposent aux clients de scanner eux-mêmes leurs produits pour éviter de faire la queue aux caisses ont mis des garde-fous pour éviter ces nouvelles techniques de vol à l'étalage. Des "surveillants" sont postés à la sortie du magasin et contrôlent aléatoirement les clients en vérifiant quelques articles.

Cette méthode à un coût. Selon une étude de CheckPoint Systems, les distributeurs ont consacré 1,36% de leur chiffre d’affaires dans la prévention des vols, soit une enveloppe de 5,8 milliards d’euros qui regroupe l’équipement et le personnel. Résultat, le vol à l’étalage n’a progressé que de 0,81% pour atteindre 3,5 milliards d’euros entre 2014 et 2015. Dans ce domaine, c’est en Allemagne que la tendance progresse le plus avec +9%, soit une perte de 5 milliards d’euros.

Dans ses magasins américains Amazon Go, le géant du commerce en ligne mise plutôt sur l’intelligence artificielle avec sa technologie "Just Walk Out". Dans ces supermarchés, les clients activent une appli qui détecte les produits pris ainsi que ceux qui sont reposés dans les rayons grâce à une puce sur les emballages. Et pas question de tenter une arnaque. Des caméras à reconnaissance faciale sont installées pour ne pas transformer de simples clients en voleurs opportunistes. 

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco