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Les ficelles patriotiques d'Obama pour défendre Google et Facebook

Pour Obama, l’Europe est protectionniste dans le seul but d’empêcher les États-Unis de s’épanouir commercialement où ils veulent et comme ils veulent.

Pour Obama, l’Europe est protectionniste dans le seul but d’empêcher les États-Unis de s’épanouir commercialement où ils veulent et comme ils veulent. - Capture site Re/Code

Lors d’un entretien au site Re/Code, le président américain s’est montré très virulent sur la politique numérique européenne. Selon lui, l’Europe prend "des positions nobles" pour masquer "intérêts commerciaux".

Internet est-il la propriété des Américains ? Pour Barack Obama, c’est un fait. Dans un entretien donné au site Re/Code, le président des États-Unis a lancé une offensive inédite contre l’Europe tant sur le fond que sur la forme.

Pour lui, la politique de protection de données des citoyens européens et la lutte contre l’optimisation fiscale ne sont rien d’autres qu’une façade destinée à masquer des intérêts commerciaux.

"Nos entreprises ont créé Internet, elles l’ont tant fait progressé et perfectionné qu'ils [les Européens, NDLR] ne peuvent plus nous concurrencer. Ce qui est présenté comme des positions nobles n’est qu’une manière de tenter de récupérer une partie de nos intérêts commerciaux."

Mieux, il raille nos capacités d’innovation qui, selon lui, "ne peuvent rivaliser" avec celles des Américains. Il considère que la politique commerciale européenne vise à "installer des barrages routiers pour empêcher nos entreprises de fonctionner efficacement."

Pas un mot sur les révélations d'Edward Snowden

Enfin, il dérape carrément sur l’Allemagne. "Il y a certains pays comme l'Allemagne qui, compte tenu de son histoire avec la Stasi, sont très sensibles à ces questions." En bref, l’Europe est protectionniste dans le seul but d’empêcher les États-Unis de s’épanouir commercialement où ils veulent et comme ils veulent.

Ces attaques sont d’autant plus délicates que les États-Unis et l'Union européenne négocient de pied ferme un accord de libre-échange le "TTIP" (Transatlantic Trade and Investment Partnership). Avec l'espoir d'aboutir avant la fin 2015. Ajoutons aussi que jamais le président Obama ne s’est offusqué des méthodes protectionnistes d’autres pays, comme la Chine. L'enjeu est trop important.

Il n’évoque pas non plus les révélations d’Edward Snowden qui ont mis au grand jour les méthodes de surveillance américaines mises en place avec la collaboration des géants du Net pour espionner des entreprises et des dirigeants européens ou sud-américains.

Alors pourquoi cette salve anti-européenne ? Évidemment pour protéger l’espace le plus générateur de profits pour les géants du Net. L’Union européenne est, pour le moment, la seule région du monde où les entreprises américaines s’épanouissent sans beaucoup de contrepartie. Mais les choses sont en train de changer.

L'Europe prépare son autonomie numérique au détriment des Américains

La priorité de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, en matière de politique numérique est de créer un marché unique capable de "générer jusqu'à 250 milliards d'euros de croissance supplémentaire, créer des centaines de milliers de nouveaux emplois et fonder une société de la connaissance dynamique." Autant de croissance qui ne profitera plus aux entreprises américaines.

Second point : la protection des données personnelles. Dans la Silicon Valley, elle sont considérées comme le nouvel "or noir" et sont protégées comme tel par ceux qui se les approprient. Avec l’affaire du droit à l’oubli dans laquelle Google s’embourbe, les pratiques anticoncurrentielles et la défense des données personnelles des européens, l’Europe s’en prend au coeur du réacteur de l’économie américaine du numérique qui est gérée par les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ainsi que Microsoft, Netflix ou encore Uber.

L’échange de ces données est soumis à l’accord Safe Arbor qui permet aux entreprises américaines de transférer sur leur sol les données des eurocitoyens. Ces informations personnelles tombent ainsi sous la législation américaine puisque stockées sur le sol américain. Depuis 2012, l’Europe tente de renégocier cet accord.

La salve de Barack Obama pourrait réveiller cette dynamique. Pour le moment, l’Union européenne n’a pas réagi. Les géants du Net non plus. Ils le devraient, dans la mesure où ils risquent de subir les conséquences de ces déclarations.

Pascal Samama