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Les graves accusations de MK2 sur les aides aux salles de cinéma  

Le CNC considère que 'le Loup de Wall Street' est un film d'art et essai

Le CNC considère que 'le Loup de Wall Street' est un film d'art et essai - Metropolitan

L'exploitant de salles de cinéma juge "opaque et illégal" le système d'aides aux salles de cinéma, notamment les écrans classés 'art et essai'.

Rares sont les professionnels de la profession qui osent cracher dans la soupe. C'est pourtant ce que fait le président de MK2, Nathanaël Karmitz. Dane une interview au vitriol accordée au Figaro, il critique vivement les subventions distribuées aux exploitants de salles de cinéma par le CNC (Centre national du cinéma).

"Système illégal"

"Je souhaite de la transparence, et que l'on arrête de gaspiller de l'argent public dans un système illégal et obsolète" exige le fils de Marin Karmitz, qui dénonce "l'opacité" de cette redistribution de l'argent public: "La Mairie de Paris comme le CNC ne communiquent pas volontiers les détails de leurs subventions. À cent mètres de distance, les aides vont du simple au triple. Certaines salles pouvant cumuler jusqu'à sept subventions différentes! Elles sont par ailleurs souvent détournées de leur usage". Selon lui, "certains exploitants m'ont offert de racheter certaines de ces salles car ils pouvaient bénéficier de plus de subventions que nous. C'est carrément scandaleux".

Autre problème: "la commission du CNC qui distribue les aides aux salles est composée en majorité d'exploitants. Ils sont à la fois juges et parties. L'impartialité n'est donc pas respectée".

"Subventions détournées"

Mais ce n'est pas tout. Certaines salles bénéficient de subventions supplémentaires, au motif qu'elles diffusent des films d'art et essai. Elles se voient alors attribuer un label "art et essai". Pour Nathanaël Karmitz, ces subventions-là sont aussi "détournées de leur objectif initial", et "leur efficacité n'est pas mesurée".

Le patron des salles MK2 est furieux car le label "art et essai" a été retiré à deux de ses salles parisiennes, le MK2 Quai de Seine et le MK2 Parnasse, qui "pourrait fermer" suite à cela. "C'est une honte, une décision indéfendable", dit Nathanaël Karmitz, qui déplore que "le niveau de nos subventions dites 'art et essai' a brusquement chuté cette année". Selon lui, le label a été retiré à ces deux salles, car celles-ci refusaient de fournir leurs comptes au CNC, précisément le montant de leurs recettes publicitaires.

Un label distribué très généreusement

Déjà, en 2010, un rapport confidentiel de l'Inspection des finances et de l'Inspection des affaires culturelles, avait estimé que le label 'art et essai' était distribué trop généreusement: la moitié des salles en bénéficie.

Surtout, "certains interlocuteurs ont jugé relativement légère la contrainte de diffusion de films art et essai pour la plupart des salles classées art et essai". En effet, pour bénéficier du label 'art et essai' -et donc de la subvention-, une salle doit diffuser seulement 25% de films "art et essai" (le seuil monte à 55% dans les villes de plus de 100.000 habitants).

De Clint Eastwood à Martin Scorsese

Le problème est que le CNC range dans la catégorie "art et essai" énormément de films, dont beaucoup ne sont pas franchement des films d'auteur. Sont ainsi considérés comme tels, Le loup de Wall Street de Martin Scorsese, Django unchained de Quentin Tarentino, Gran torino de Clint Eastwood, Alice aux pays des merveilles et Dark shadows de Tim Burton, Le discours d'un roi de Tom Hooper, De rouille et d'os de Jacques Audiard... 

"Plus de 70% des films exploités aujourd'hui sont recommandés art et essai, soit 15 points de plus qu'au début des années 90", pointe le rapport. 

Dernière critique: les subventions aux salles art et essai "ont augmenté de 60% en 10 ans, et a cru plus rapidement que le nombre de salles". En 2013, 14,3 millions d'euros ont ainsi été distribuées, soiten moyenne 12.700 euros par salle, contre 8.690 euros dix ans plus tôt. Selon le rapport, cette subvention représente 9,5% des recettes guichets des salles concernées. 

La réponse du CNC

Le classement art et essai des salles de cinéma, organisé chaque année par le CNC, s’appuie principalement sur la programmation des salles, c’est-à-dire sur la part de séances consacrées à des films 'art et essai', recommandé par le Collège de recommandation des films composé de cent professionnels: réalisateurs, auteurs, producteurs, distributeurs, exploitants, techniciens… La commission en charge du classement examine également d’autres critères comme les efforts de promotion des œuvres par les exploitants, l’accueil du public, le confort des salles… Parmi ces critères figurent également des éléments financiers qui portent, pour la première fois cette année, suite aux travaux menés par les professionnels dans le cadre des Assises du cinéma, sur la diffusion des bandes annonces.

Jamal Henni