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Les montres Lip renouent avec leur passé bisontin

Lip revient à Besançon, un quart de siècle plus tard.

Lip revient à Besançon, un quart de siècle plus tard. - Jean-Claude Delmas

Les emblématiques montres franc-comtoises vont de nouveau être produites à Besançon, un quart de siècle après la délocalisation de l'activité dans une autre province française.

La célèbre marque horlogère française Lip, à l'histoire marquée par un conflit social emblématique, revient à Besançon un quart de siècle après son départ pour tenter de regagner son prestige d'antan. De Winston Churchill à Charles de Gaulle, les montres Lip ont donné l'heure à bon nombre de personnages illustres.

Fondée en 1867 à Besançon, l'entreprise horlogère a périclité dans les années 60, avant d'être marquée par un conflit social d'ampleur nationale et une tentative d'autogestion inédite au début des années 1970. La marque a ensuite été rachetée en 1990 par la future Manufacture Générale Horlogère (MGH), basée dans le Gers, pour être notamment vendue dans le réseau de la grande distribution.

Mais 25 ans après ce douloureux départ, Philippe Bérard, le patron de la Société des montres bisontines (SMB) créée en 1978, a décidé de rapatrier Lip sur ses terres d'origine. Son défi ? "Commercialiser à nouveau les montres Lip dans l'horlogerie-bijouterie" et redonner à la marque ses lettres de noblesse.

"Malgré sa présence dans la grande distribution, Lip reste une très belle marque, qui a une notoriété indiscutable et qui bénéficie d'un certain attachement des gens", relève le chef d'entreprise de 65 ans. Philippe Bérard a conclu avec la MGH un accord d'exploitation de la marque Lip de 10 ans, avec la possibilité d'acquérir définitivement la marque si les résultats sont au rendez-vous.

Des montres "made in France"

"Maintenant, je mange Lip, je travaille Lip, je rêve Lip", dit Philippe Bérard, qui est à la tête de la plus importante entreprise horlogère de France. La Société des montres bisontines emploie en effet 120 salariés, commercialise 1,5 million de montres par an, et a réalisé 30 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2014.

Dans les années 50, "Lip représentait l'excellence de l'horlogerie française en termes de taille, de savoir-faire et d'innovation", rappelle l'industriel qui espère profiter de l'engouement des clients pour les montres "vintage". À l'époque, Lip était la manufacture horlogère la plus puissante de France avec 1.500 salariés et 300.000 montres produites par an.

Pour redorer le blason de la marque, l'industriel parie notamment sur une ligne de montres dite "historique". Cette ligne "vintage" revisite les modèles qui ont fait la notoriété de la marque comme Himalaya, Mermoz, de Gaulle ou Churchill. Ces pièces seront équipées d'un mouvement mécanique à remontage automatique Miyota, fabriqué au Japon. Une ligne "designer", avec des mouvements à quartz fabriqués à Villers-le-Lac (Doubs), sera également commercialisée.

Comme l'assemblage des nouvelles montres Lip est réalisé à Besançon, elles bénéficient de l'attribut "made in France" et sont frappées d'un poinçon "LIP Besançon France". Une cinquantaine d'horlogers-bijoutiers ont déjà passé commande auprès de SMB qui espère débuter avec environ 30.000 pièces par an, vendues entre 200 et 500 euros. Les premières livraisons sont prévues début juin. "Lip était une marque populaire, mais d'un certain niveau, qu'on offrait à une communion par exemple.

Les gens économisaient pour offrir cette montre qui avait une vraie valeur commerciale et symbolique", rappelle Philippe Bérard. Et la symbolique des trois lettres est toujours vivante à Besançon, affirme Bruno Witsch, horloger depuis 25 ans chez SMB.

À 14 ans, il passait tous les jours en vélo devant l'usine Lip à Besançon où il rêvait de travailler. "Puis il y a eu le conflit, le dépôt de bilan et je n'ai jamais pu y entrer", confie-t-il. "Mais 40 ans après, je fais des Lip. C'est incroyable", se réjouit l'homme désormais chargé d'assembler les prototypes des nouvelles Lip.

Charles Piaget, l'un des leaders du mythique "conflit Lip", qui eut lieu dans l'usine bisontine de 1973 à 1976, est, lui aussi, satisfait de voir la marque revenir à Besançon. Mais pour cette figure du mouvement autogestionnaire français, "les Lip d'aujourd'hui ne seront plus jamais les Lip d'avant 76".

N. G.avec AFP