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Les PV des radars rapportent gros à l'Etat et à... Atos 

Le traitement automatisé  et informatisé des infractions est permis par le recours à des prestataires privés dont Atos est le principal bénéficiaire.

Le traitement automatisé et informatisé des infractions est permis par le recours à des prestataires privés dont Atos est le principal bénéficiaire. - Dominique Faget-AFP

Pour traiter les amendes liées aux radars automatiques, l'Etat s'est reposé depuis 2003 sur la société informatique. Plusieurs rapports ont mis en garde l'Etat contre cette dépendance.

Quand une entité publique sous-traite une activité "stratégique" à un prestataire privé, jusqu'à quel point devient-elle complètement dépendante de son fournisseur ?

Dans le cas de l'agence en charge des amendes liées aux radars automatiques, cette question se pose vis à vis d'Atos, son prestataire informatique unique depuis... 2003.

Au moins deux rapports officiels ont souligné les risques et les surcoûts liés à cette situation de dépendance, créée au fil des ans, au détriment de l'agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai).

Un premier rapport sénatorial, datant d'octobre 2013, soulignait le fait que le titulaire du marché (Atos) risquait de devenir le partenaire incontournable de la puissance publique, par l'expérience qu'il a acquise. Le document officiel ajoutait: "cela perturbe le bon fonctionnement de la concurrence lors des phases d'appels d'offre." 

La société informatique française était seule en lice en 2011

De fait, lors de l'attribution en 2011 du marché actuel du traitement informatique des amendes, par l'agence, une seule offre a été déposée, celle émanant d'Atos, déjà attributaire du marché précédent.

Seule en lice, la société française a remporté le marché pour un montant de 247,4 millions d'euros pour quatre années, soit 61,8 millions d'euros par an.

Chez Atos, on précise que "plus de 120 collaborateurs travaillent quotidiennement, sous les directives de l'administration et aux côtés de nombreux autres prestataires, au bon fonctionnement du centre national de traitement des infractions. Atos est fier de contribuer, depuis 2003, à l'efficacité de la politique de sécurité routière en France. Depuis la phase expérimentale de 2003, les Ministères de l’Intérieur et de l’Equipement ont, en mai 2004, décembre 2007 et novembre 2011 renouvelé leur confiance à notre Groupe en le sélectionnant lors d’appel d’offres publics."

Du renouvellement systématique de contrat à l'établissement d'une rente de situation, il y un seuil que n'hésite pas à franchir un deuxième rapport, confidentiel, de l'inspection générale de l'administration (IGA), dont L'Express, a eu connaissance.

Selon l'IGA, l'Antai se trouve "plus qu'en situation de dépendance à l'égard de son fournisseur", elle en est "captive".

Un des problèmes posés par le contrat passé par Atos vient du fait que la société française refacture, en plus de son contrat, d'autres prestations comme l'affranchissement des amendes envoyées aux contrevenants.

20 millions d'euros d'affranchissement refacturés par Atos

Résultat: en 2012, Atos a refacturé 91,3 millions (dont 20,7 millions d'euros d'affranchissement) à l'agence, ces dépenses représentant 84% de son budget total, selon le rapport parlementaire

Cette part ultra-dominante a amené l'agence à mettre son nez dans les facturations que lui envoie Atos.

Elle a pu réaliser des économies sur plusieurs postes. Par exemple, l'immeuble du CNT (centre national de traitement du contrôle automatisé) à Rennes était loué par Atos, location ensuite refacturée à l'agence. 

"Dans le cadre du nouveau marché passé en 2011 avec Atos, l'agence a repris les baux à son nom. Ainsi, elle acquitte un loyer d'environ 2,15 millions d'euros (charges comprises), contre 2,38 millions d'euros auparavant. Elle a ainsi économisé près de 230.000 euros", est-il précisé dans le rapport sénatorial.

Le contrat avec Atos arrive à échéance fin 2015

Après avoir mis en place un suivi des factures adressées par Atos et un outil informatique d'analyse de l'exécution du marché confié en 2011, l'Agence explique que ces procédés lui facilitent "la préparation des bons de commande, des supports du comité de suivi budgétaire et des prévisions budgétaires, ainsi que la vérification des factures". Avec une économie annuelle de 260.000 euros, à la clé.

Pour Atos, la "rente de situation" pourrait toutefois être remise en question. Le contrat de quatre ans dont elle bénéficie depuis 2011, arrive à échéance fin 2015.

Même si Atos sera probablement un candidat "naturel" à sa succession, il devrait avoir de sérieux concurrents face à lui, pour la première fois...

Le directeur de l'Antai avait rappelé, lors du choix d'Atos en 2011, devant son conseil d'administration que "les grandes maisons qui étaient sur le point de déposer une offre avaient pris du retard. [...] Je crois comprendre que ceux qui ont travaillé le sujet cette année, sauf évènement autre, seront au rendez-vous dans quatre ans. Ils nous l'ont fait connaître."

Une clause contractuelle de réversibilité, négociée avec Atos, permet de changer de prestataire. Elle prévoit un transfert des données et des compétences actuellement gérées par la société informatique, au profit d'un nouveau contractant qui serait choisi pour la remplacer.

Frédéric Bergé