BFM Business
Transports

Les "Tesla Killers" menacés de pénurie de batteries pour leurs voitures électriques

Les annonces de suspension ou de réduction de production se multiplient chez les constructeurs premium. Jaguar, Mercedes et Audi se retrouvent aux prises avec d’énormes pénuries de batteries ou de composants… de nature à réduire leur ambition d’aller chasser sur les terres de Tesla.

Production suspendue temporairement pour l’IPace de Jaguar, pour l’e-tron d’Audi également, et objectifs mis au défi pour Mercedes avec son EQC. Clairement, les grandes marques premium ont du mal à tenir la cadence pour leurs modèles premium électriques.

En cause, pour ces trois constructeurs, une vraie pénurie de batterie du côté du Coréen LG Chem, qui a bien du mal à tenir les cadences effrénées de production demandées par les constructeurs. Mais face à l’explosion de la demande, à la multiplication dans les gammes de modèles électrifiés (100% électriques, hybrides et hybrides rechargeables), rendue nécessaire par les nouvelles régulations anti-pollution, les constructeurs doivent avancer vite et bien sur ce terrain. Résultat: des goulets d’étranglement chez les fournisseurs.

Achats "sur étagère"

"Désormais, et surtout dans le premium et les grosses voitures, le moindre moteur thermique se doit au moins d’être secondé par une batterie 24 ou 48 volts (hybridation légère) pour "coller" aux critères CO2 européens, remarque un observateur de l’industrie automobile. Du coup les besoins sont énormes. Et dans la perspective d’un arrêt de la production de voitures thermiques entre 2030 et 2040, les constructeurs doivent accélérer coûte que coûte avant d’être capables d’être 100% autonomes du point de vue de la construction de leurs propres batteries. D’où le recours accru à des achats ‘sur étagère’ chez les fournisseurs asiatiques".

Le résultat, c’est une impossibilité à obtenir un vrai flux continu sur les modèles premium, ceux que les constructeurs ont dégainé pour concurrencer Tesla, et essayer de gagner des parts de marché sur ces segments. Car le haut de gamme électrique a cet avantage de pouvoir développer, en garantissant des marges acceptables, les technologies du futur qui vont ensuite ruisseler sur les modèles inférieurs. Mais pour le moment, le défi reste difficile.

Objectifs difficiles à tenir

Arrêt de production temporaires d’une semaine pour l’IPace de Jaguar (élue voiture de l’année 2019), même chose chez Audi pour l’e-tron, et remise en cause des objectifs de l’EQC chez Mercedes. Le magazine allemand Manager Magazin révélait il y a quelques semaines que le constructeur n’avait réussi à produire que 7.000 exemplaires de son SUV électrique l’année dernière, contre 25.000 prévus à l’origine, rendant impossible de remplir l’objectif de 60.000 unités produites cette année. Mercedes a depuis démenti l’information, restant ferme sur ses objectifs. Mais le défi reste entier, tant la saturation du marché de la batterie et des composants reste pesante… d’autant que la crise industrielle qu’occasionne l’épidémie de Coronavirus perturbe profondément la chaîne d’approvisionnement du secteur automobile.

Tesla bientôt rattrapé?

"Et Tesla est logé à la même enseigne", continue l’analyste. "Tôt ou tard, ils se feront rattraper. Certes, la longueur d’avance est confortable, aussi bien en matière de parts de marché (surtout aux Etats-Unis) qu’en termes de technologies (Tesla est lié par un contrat de fourniture exclusif avec le chinois CATL, leader mondial du secteur). Mais à plus ou moins brève échéance, avec la montée en puissance de la Model 3 et du SUV Model Y, Tesla sera confronté aux mêmes problèmes d’approvisionnement", conclut-il.

Le "mur de la batterie"

Au vu du nombre de sorties capitales en matière d’automobiles électriques cette année (gamme Volkswagen ID, accélération chez Ford et PSA notamment), cette année 2020 commence par un défi de l’approvisionnement… Qui n’est pas sans rappeler les propos prophétiques de Carlos Ghosn, lors de son dernier Salon de l’Automobile à Paris à l’automne 2018: une des principales menaces du moment est une pénurie de composants pour l’automobile du futur.

Car produire des voitures électrifiées performantes et endurantes, de nature à alléger le bilan carbone des constructeurs, tout le monde sait le faire désormais. Les 2 défis des années à venir seront de pouvoir les vendre à bon prix et de manière profitable… Et surtout de pouvoir les fournir dans des délais convenables pour satisfaire la demande. Ce "Mur de la Batterie" sera l’obstacle principal…

Antoine Larigaudrie