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Les (très) bonnes affaires de Nagui

Suite aux bonnes performances de l'animateur, le producteur Banijay lui a versé d'importants intéressements. Nagui a décidé d'en réinvestir 20 millions pour devenir un actionnaire important de cette société de production.

La petite entreprise de Nagui ne connaît pas la crise. C'est même devenu un petit empire, qui produit des jeux, de la fiction, des émissions culinaires, des disques, des concerts...

Au total, la tête de pont de son empire, Air Productions, qui réalisait seulement 3 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2005, en génère aujourd'hui une vingtaine (cf. chiffre ci-dessous). Et elle verse plus de 4 millions d'euros de dividendes par an.

Quatrième actionnaire de Banijay

Toutefois, ces dividendes ne vont pas dans la poche de Nagui, car ce dernier a vendu sa société en 2009 à Banijay, le groupe de Stéphane Courbit. Mais ce dernier a pris soin d'intéresser Nagui aux résultats, afin de s'assurer de sa fidélité. D'abord, il lui a donné des actions -précisément, 0,7% du capital de Banijay Entertainment, qui ont été converties en juin dernier en 0,5% du capital de Banijay Group, et valorisées 2,2 millions d'euros.

Surtout, Stéphane Courbit a payé Nagui en plusieurs fois: une première tranche lors du rachat, puis des compléments de prix indexés des performances d'Air Productions. Ces performances étant excellentes, les compléments de prix (appelés en anglais earn out) ont fini par représenter une coquette somme. Tant et si bien que Nagui a décidé d'en réinvestir une partie dans Banijay: au printemps, il a acheté pour 20 millions d'euros d'actions Banijay Group.

100 millions d'euros à débourser d'ici 2019

Si l'on ajoute à cela les actions issues de la conversion, Nagui détient aujourd'hui 5,3% du capital de Banijay Group, ce qui en fait le 4ème actionnaire, derrière Stéphane Courbit (31%), l'italien De Agostini (30,9%) et Vivendi (28,3%).

Au demeurant, Stéphane Courbit utilise cette solution à chaque fois qu'il rachète une société de production. Il paie lors du rachat seulement une partie du prix (en général moins de la moitié), puis étale le reste du paiement sur plusieurs années (cinq à huit ans).

Cumulés, tous ces compléments de prix à payer finissent par peser lourd: plus de 100 millions d'euros à débourser d'ici 2019. Toutefois, au printemps dernier, Stéphane Courbit a réduit la note de 33 millions d'euros en proposant aux producteurs de son groupe -tels Nagui- de toucher leur complément de prix sous forme d'actions de Banijay Group. Après cette opération, les différents animateurs producteurs détiennent donc 9,7% du capital de Banijay Group, dont 5,3% pour le seul Nagui.

Les risques du système

Rappelons que lorsqu'ils ont vendu en 2001 leur propre société Case Productions (devenue Endemol France) à Endemol, Stéphane Courbit et son associé Arthur ont inséré une clause d'earn out qui fit leur fortune. Cette clause leur permit de toucher 450 millions d'euros en 2007, alors qu'ils n'avaient empoché que 160 millions d'euros lorsqu'ils avaient vendu la première moitié du capital à Endemol. 

Mais ce système présente aussi un risque: le producteur, une fois son earn out empoché, peut avoir tendance à travailler moins, voire à partir ailleurs... C'est ce qui était arrivé chez Endemol France, où Stéphane Courbit avait intégré des clauses d'earn out lors du rachat des sociétés de production de Marc-Olivier Fogiel, Lagaf', Miss France... Las! Une fois ces earn out payés en 2007, ces animateurs quittèrent Endemol France, dont le chiffre d'affaires s'effondra alors de 57%.

"Cette politique de croissance externe s'est avérée non rentable, car les earn out dépassaient très largement les résultats nets cumulés de ces sociétés", fustigea Virginie Calmels, qui succéda à Stéphane Courbit à la tête d'Endemol France. Selon le Point, Marc-Olivier Fogiel et son associé Nicolas Plisson ont ainsi touché 40 millions d'euros à eux deux, tandis que Lagaf' et son associé Hervé Hubert ont empoché 60 millions d'euros.

Contactée à plusieurs reprises, l'attachée de presse de Nagui, Françoise Doux n'a jamais répondu.

Les sociétés de Nagui

Air Productions SAS
Création: 1993
Actionnaire: Banijay Group (97,6%)
Chiffre d'affaires 2013: 21,8 millions d'euros
Résultat net: +4,1 millions d'euros
Activité: production de Taratata, N'oubliez pas les paroles et Tout le monde veut prendre sa place

Image On Air SAS
Création: 1994
Actionnaire: Air Productions (100%)
Chiffre d'affaires 2014: 15,6 millions d'euros (réalisé intégralement avec les autres sociétés de Nagui)
Résultat net 2014: +64.300 euros
Activité: production exécutive des émissions, édition de La Radio du temps libre en ondes moyennes

Tam Air SARL (ex Shazam)
Création: 1995
Radiation: 1997
Chiffre d'affaires 1997: 392.670 euros
Résultat net 1997: -21.988 euros
Activité: création graphique, effets spéciaux

Vision'Air SARL
Création: 1996
Radiation: 1998
Chiffre d'affaires 1997: 1,4 million d'euros
Résultat net 1997: -35.795 euros
Activité: événementiel et communication

Bazik Muzik/Base Records
Création: 1995
Actionnaire: Air Productions (100%)
Chiffre d'affaires 2015: 0
Résultat net 2015: +102.600 euros
Activité: édition musicale

Festival'Air
Création: 2006
Actionnaire: Air Productions (100%)
Chiffre d'affaires 2015: 606.800 euros
Résultat net 2015: +93.900 euros
Activité: organisation des concerts (Taratata au Zénith)

Fiction'Air
Création: 2009
Actionnaire: Air Productions (100%)
Chiffre d'affaires 2015: 43.700 euros
Résultat net 2015: -92.100 euros
Activité: production de fiction: téléfilms (Trois femmes en colère et Dans la tête des gens) et web séries

Food Productions
Création: 2013
Actionnaire: Air Productions (100%)
Chiffre d'affaires 2013: 4,2 millions d'euros
Résultat net 2013: +436.800 euros
Activité: production d'émissions culinaires (Dans la peau d'un chef avec Christophe Michalak, diffusé sur France 2 de 2013 à 2016)

Les résultats de Air Productions (en millions d'euros)

Chiffre d’affaires
2012 : 24,9
2013 : 21,8

Résultat net
2012 : +4,1
2013 : +4,1

Dividendes versés
2005 : 0,35
2006 : 0,35
2007 : 2
2008 : 0,82
2009 : nc
2010 : 7
2011 : 5,21
2012 : 4,1
2013 : 4,07

Source: comptes sociaux

Jamal Henni