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Luc Besson lourdement condamné pour contrefaçon de New York 1997

"Lock out", sorti trente ans après "New York 1997".

"Lock out", sorti trente ans après "New York 1997". - Slobodan Pikula / EuropaCorp

Pour la cour d'appel de Paris, le film Lock out (co-écrit par Luc Besson) est une "contrefaçon" de New York 1997, un film réalisé trente ans plus tôt par John Carpenter. Le producteur français est condamné en appel à payer 465.000 euros aux ayant-droits.

"Tous les metteurs en scène dits importants, comme Spielberg, récoltent un procès à chaque film. J’ai été accusé sur Taxi, sur le Cinquième Élément, sur Léon… bref sur tous. J’ai toujours gagné et, en plus, mes accusateurs ont eu des amendes. Ça, on en parle peu dans les journaux", assurait Luc Besson dans Paris Match en 2009. Dans Complément d'enquête en 2014, le réalisateur ajoutait: "J'ai eu dix procès pour plagiat, je les ai tous gagnés".

Tous, à une exception près: le procès intenté contre Lock out, un film écrit par James Mathers, Stephen St Leger et Luc Besson, crédité aussi au générique pour avoir fourni l'idée originale.

"Un plagiat éhonté"

Dès la sortie du film en 2012, de nombreux critiques le rapprochent de New York 1997, un film réalisé en 1981 par John Carpenter. "Un plagiat lisse, habile et éhonté", explique l'un. "On évolue plus dans le domaine du plagiat que dans celui de l'hommage", ajoute un autre. "Le scénario est complètement pompé", abonde un troisième. Le site Mandator le classait même comme "remake volé" numéro un de l'histoire du cinéma...

En janvier 2014, John Carpenter, son co-scénariste Nick Castle et le détenteur des droits StudioCanal portent donc plainte devant le tribunal de grande instance de Paris. Et, il y a un an, Luc Besson, ses deux co-scénaristes et sa société de production EuropaCorp ont été condamnés pour contrefaçon à verser 85.000 euros aux plaignants.

Dénonçant "une entrave à la liberté artistique", le réalisateur de Lucy fait alors appel. Mal lui en a pris. La cour d'appel, qui a récemment rendu son verdict, a quintuplé les dommages, pour les porter à 465.000 euros -même si c'est moins que les 2,2 millions d'euros réclamés. "La reprise massive par Lock out d'éléments essentiels de New-York 1997 semblablement agencés est constitutive de contrefaçon", pointent les juges. 

StudioCanal a notamment argué que la sortie de Lock out avait fait capoter un projet de remake de New York 1997 par une major d'Hollywood, prête à payer 1,75 million de dollars pour lui acheter les droits. Selon la filiale de Canal Plus, les droits d'un remake sont fixés en général à 3% du budget du nouveau film, plus un pourcentage des recettes.

Longue liste de similitudes dans le scénario...

Sur le fond, les juges ont relevé une très longue liste de similitudes entre ces deux films d'anticipation. Dans les deux cas, l'action se passe dans une prison isolée et inhumaine -l'île de Manhattan dans New York 1997, une station spatiale dans Lock out. Dans les deux cas, les prisonniers se mutinent et prennent en otage soit le président des États-Unis dans le film de John Carpenter, soit la fille du président des États-Unis dans le film écrit par Luc Besson...

Dans les deux cas, pour délivrer l'otage, les autorités hésitent entre donner l'assaut et envoyer un homme seul, option finalement retenue. Dans les deux cas, les autorités proposent à un prisonnier un marché: libérer l'otage contre sa liberté. Dans les deux cas, le héros hésite avant d'accepter. Dans les deux cas, les autorités lui mentent et tentent de le manipuler.

Mieux: ce héros présente bien des similitudes. Dans chacun des scénarii, il a un passé glorieux (militaire ou agent de la CIA), il est athlétique, tatoué, solitaire, cynique et rebelle. Même son nom est proche: Snake dans le premier film, Snow dans le second. Et notre héros refuse à chaque fois de se faire appeler par son nom...

Mais ce n'est pas tout. Les deux films se déroulent sur une journée, et notre héros doit accomplir sa mission dans un temps limité. Dans les deux films, il reçoit, avant de partir en mission, une injection de la part d'infirmiers. Il doit aussi récupérer une mallette contenant des informations capitales, mais qui s'avérera finalement vide. Dans les deux films, notre héros retrouve dans la prison un ancien comparse, mais celui-ci meurt. Dans les deux films, le héros croit un moment que sa mission est devenue sans objet (mort ou mise en sécurité de l'otage), et alors songe à abandonner sa mission. Dans les deux films, la solution envisagée initialement prévue pour quitter la prison échoue... 

...et dans la forme

Des similitudes ont aussi été relevées dans les personnages secondaires. L'otage est doté d'un capteur permettant de connaître son état physique. Le chef des prisonniers est violent, secondé d'un bras droit inquiétant et imprévisible, finalement poignardé par notre héros.

Enfin et non des moindres, des ressemblances ont aussi été relevées sur la forme. Les deux films se passent presque en permanence dans l'obscurité, avec des couleurs bleutées. Le héros est habillé d'abord d'un blouson de cuir, puis d'un tee-shirt durant la plus grande partie du film. Des scènes similaires figurent dans les deux films: un hélicoptère tire sur des fugitifs dans la nuit, des policiers casqués courent dans une rue mal éclairée, le héros se relève difficilement après s'être évanoui, le héros fume durant son interrogatoire, le héros est blessé à la cuisse... Bref, pour la cour d'appel, "l'importante accumulation de reprises de scènes marquantes dans le déroulement de l'action ne peut être considérée comme fortuite."

"Un des plus grands talents français de tous les temps"

Pour se défendre, Europacorp utilisera moult arguments, notamment que New York 1997 s'inspire lui-même de Rio bravo, ou "présente des ressemblances troublantes avec Mad Max". Ou encore que Lock out ne présente "aucun message politique d'aucune sorte, et ne dénonce aucunement la société", contrairement à New York 1997. Ou même que "Luc Besson est un des plus grands talents français de tous les temps"... Mais aucun de ces arguments n'a été retenu.

Interrogé, StudioCanal n'a pas répondu, tandis qu'EuropaCorp indique: "La modicité de la condamnation montre que les tribunaux n’ont finalement retenu que de simples similitudes par rapport à l’importance des sommes demandées par les plaignants. Néanmoins, comme nous l’avons toujours dit, nous ne partageons pas l’interprétation faite par les tribunaux, car nous considérons que les deux œuvres n’ont rien de similaires dans leur impression d’ensemble. C’est pourquoi, en accord avec notre assureur, EuropaCorp a mis en œuvre son assurance 'erreurs et omissions' pour couvrir cette charge". Le studio de Luc Besson ajoute qu'il ne se pourvoira pas en cassation.

L'ancien bras droit de Luc Besson gagne son procès en diffamation

Pierre-Ange Le Pogam, co-fondateur d'EuropaCorp avec Luc Besson en 2000, a quitté la société en 2011. Trois ans plus tard, il a été critiqué par Christophe Lambert, à l'époque directeur général d'EuropaCorp. Ce dernier avait déclaré dans une interview au Figaro: "Cela fait quatre ans qu'il y a une campagne de dénigrement sur EuropaCorp et sur Luc Besson. Les informations rapportées par la presse et diffusées dans tous les médias sans vérifications sont fausses. Cela suffit! Nous avons décidé de porter plainte pour dénonciation calomnieuse et diffusion d'informations mensongères qui déstabilisent le cours de Bourse. [...] Cette campagne est menée par un homme avec la complicité d'un organe de presse. Cet homme est Pierre-Ange Le Pogam, ancien dirigeant de la société, qui l'a menée au bord du gouffre et a été licencié il y a quatre ans".

Pierre-Ange Le Pogam avait alors porté plainte pour "diffamation publique", réclamant 42.000 euros. Le 25 mai, le tribunal de grande instance de Paris a jugé que ces propos, "formulés sans mesure ou réserve", étaient effectivement diffamatoires, et a condamné Christophe Lambert à payer 5.000 euros. Pour les juges, "le licenciement de Pierre-Ange Le Pogam n'était nullement motivé par le fait d'avoir mené EuropaCorp 'au bord du gouffre', ou pour une quelconque responsabilité dans une situation financière qui aurait été désastreuse, mais par des déclarations publiques exprimant des désaccords avec la stratégie de l'entreprise, des dénigrements de la nouvelle direction, et la volonté de fonder une société concurrente".

Rappelons que Christophe Lambert a quitté son poste de directeur général le 10 février 2016, et est décédé le 13 mai 2016.

Jamal Henni