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La saga LVMH-Hermès

LVMH est monté discrètement au capital de Hermès, qui s'insurge de ce qu'il considère comme une tentative de prise de contrôle.

LVMH est monté discrètement au capital de Hermès, qui s'insurge de ce qu'il considère comme une tentative de prise de contrôle. - -

La commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers va auditionner, vendredi 31 mai, la direction de LVMH. Il va devoir préciser les conditions d'entrée de son groupe au capital de la société de luxe. Rappel des faits.

Bernard Arnault va être auditionné, ce vendredi 31 mai, par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers. Il devra détailler les conditions de l'entrée de LVMH au capital d'Hermès.

L'AMF dira si ses règles ont bien été respectées d'ici l'été. Retour sur cette saga boursière qui prend place dans l'univers d'ordinaire feutré du grand luxe.

> LVMH surprend son monde

L'histoire officielle commence en octobre 2010. LVMH annonce alors détenir 14% du capital du sellier de luxe. Le loup est entré dans la bergerie sans faire de bruit, les bergers tombent des nues. La famille Hermès est abasourdie. Patrick Thomas, le gérant de la commandite, lui intime l'ordre de se retirer.

Au contraire, le numéro un mondial du luxe poursuit sa montée au capital du fabricant des carrés de soie jusqu'en décembre 2011, pour atteindre plus de 22%. Dans ses déclarations, Bernard Arnault joue l'apaisement. Il se défend de toute volonté "hégémonique" et assure être là "à long terme".

> L'AMF s'intéresse au dossier

La bonne foi du groupe, qui s'est construit à coup d'acquisitions agressives, pose question. A l'occasion de sa montée au capital d'Hermès, la maison-mère de Louis Vuitton aurait dû avertir l'Autorité des marchés financiers à chaque franchissement de seuils, à 5, 10, puis 15%. Mais il ne l'a pas fait.

LVMH assure ne pas avoir prévu d'acquérir tant d'actions de la marque. C'est le dénouement de plusieurs placements qui aurait eu cette conséquence totalement inattendue. L'AMF ne croit pas à cette version. Elle ouvre une enquête en novembre 2010. Le scénario qu'elle construit est bien différent de la version de LVMH.

Le numéro un mondial du luxe aurait en réalité scrupuleusement planifié son coup d'éclat. Dans le plus grand secret, conseillé par les plus fins stratèges, le groupe aurait acquis des actions Hermès via des montages financiers complexes. Il serait notamment passé par des filiales étrangères qui veillaient chacune à ne jamais dépasser les seuils à partir desquels elles auraient dû avertir l'AMF.

> Hermès verrouille son capital

Passé le choc de l'annonce, les héritiers de Thierry Hermès s'emploient à protéger la société de toute nouvelle intrusion. Hermès a déjà le statut de société en commandite, qui empêche tout acteur extérieur d'avoir le contrôle politique du créateur des sacs Kelly. Il est décidé à verrouiller son capital à travers une holding.

La loi oblige les descendants du fondateur d'Hermès à lancer une offre publique d'achat (OPA) sur les titres de ceux qui ne participent pas à la holding. Mais le cours de l'action est au plus haut, encore décuplé depuis le coming out de Bernard Arnault. La famille ne peut pas remettre autant au pot. Elle demande une dérogation à l'AMF, qu'elle obtient.

L'Adam, qui représente les petits actionnaires, a beau user de tous les recours en justice possibles, les tribunaux confirment la dérogation.

La holding est créée. Elle s'appelle H51. 52 membres de la famille sur près de 70 en font partie. Chacun de ses membres ne détient pas plus de 6% des parts. Au total, la holding regroupe 63,85% du capital, et 50,2% des actions sont immobilisées pour vingt ans. Un tiers des dividendes versés pas Hermès sera consacré à des rachats d'actions du groupe.

>> LVMH attaqué de toutes parts

Il y a d'abord l'enquête de l'AMF. Elle ne contient aucun grief de nature pénale, se félicite LVMH. Le conglomérat encourt bien une amende de plusieurs millions. Mais elle serait dérisoire comparé à ses résultats financiers, et sachant qu'il toucherait plus d'un milliard d'euros de plus-value s'il vendait ses parts d'Hermès.

Le sellier de luxe, passe lui aussi à l'offensive. Il dépose plainte en juillet 2012 contre LVMH pour délit d'initié et pour manipulation de cours auprès du parquet de Paris. Une information judiciaire est ouverte et un juge d'instruction nommé. LVMH contre-attaque en déclarant avoir déposé plainte contre Hermès pour dénonciation calomnieuse.

Car en définitive, c'est bien son image qui est en jeu. Hermès s'emploie à le faire passer pour l'industriel cupide et tricheur face à l'artisan sans défense. Une réputation encore écornée en début d'année par l'affaire de la demande de nationalité belge de Bernard Arnault et sa retentissante couverture médiatique...

Nina Godart (texte) & Audrey Dufour (infographie)