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Malus automobile : un record en 2018, un casse-tête pour l'avenir

L'Etat Français a perçu une somme de malus automobiles record en 2018... mais ce système de financement censé être vertueux est en train de montrer ses limites.

L'Etat Français a perçu une somme de malus automobiles record en 2018... mais ce système de financement censé être vertueux est en train de montrer ses limites. - SEBASTIEN BOZON / AFP

L'Etat Français a perçu 558,9 millions d'euros de malus écologiques sur les ventes automobiles l'année dernière, reflet de l'engouement actuel pour les motorisations essences et les SUV.

Désirs du consommateur, changements de normes, régulations plus sévères... Difficile de trouver la bonne carburation sur le marché automobile. En tout cas, le système de malus écologiques aura rapporté une somme record à l'Etat Français l'année dernière, à 558,9 millions selon un rapport de la Cour des Comptes. Un chiffre bien supérieur aux prévisions sur lesquelles se basait la loi sur le budget de 2018, si bien que l'Etat se retrouve même avec un surplus de 170 millions d'euros. 

Les raisons sont multiples, avec la prise en compte de plusieurs facteurs techniques. Tout d'abord, l'Etat a rehaussé le barème des malus, et le nombre de modèles concernés a augmenté de 2017 à 2018, passant de 2.700 à un peu plus de 3.400 modèles. Au total, 640.300 véhicules y ont été soumis, contre 500.600 prévus à l'origine.

La faute à l'essence... et aux SUV

De plus, le passage aux normes WLTP, en moyenne un peu plus sévères, a rehaussé un peu artificiellement les taux d'émissions constatés sur une majorité d'automobiles. Et même si ce nouveau calcul n'aura eu qu'un impact marginal sur beaucoup d'entre eux, il a largement contribué lui aussi à ces recettes record.

Mais plus que tout, ce chiffre est le reflet des tendances d'achat actuelles des Français en matière d'automobiles. Face aux réglementations toujours plus sévères, notamment vis-à-vis du diesel, les automobilistes rachètent de plus en plus de voitures à essence, plus émettrices de CO2 (+20% en moyenne par rapport aux motorisations Diesel, qui ont chuté de 15% l'année dernière, pour ne représenter que 39% du marché). 

Le succès des SUV est aussi à prendre en considération : par nature, ces véhicules plus gros et moins aérodynamiques que des berlines ou des citadines, sont plus émetteurs de CO2. D'où un impact sur la moyenne des émissions annuelles, et la tendance ne risque pas de s'améliorer alors que la croissance de ces véhicules sur le marché semble ne pas vouloir s'arrêter, montant à plus de 40% de parts de marché.

Un cercle vertueux... qui montre ses limites

Cette somme record et ce surplus de malus constituent certes une bonne affaire pour l'Etat, mais ils servent avant tout à financer les primes à la conversion, ainsi que les bonus accordés pour l'achat de véhicules moins polluants. Les malus sont même tout juste suffisants pour couvrir les besoins, puisque l'Etat a versé un peu plus de 185 millions d'euros de bonus et 365 millions de primes. 

Pour l'année prochaine, la Cour des Comptes prévoit une très forte hausse des aides d'Etat (+50% à près de 950 millions d'euros), avec un doublement du montant des primes à la conversion. Certes, le montant des malus devrait lui aussi augmenter au vu des dynamiques de marché actuelles, mais sans doute pas assez pour couvrir l'ensemble des dépenses. Et même si un nouveau calcul de ces systèmes de compensation devrait permettre un financement plus efficace cette année, la Cour des Comptes craint que le problème ne devienne structurel.

Moyennes de CO2 en augmentation

Le système qui se veut vertueux montre ses limites, puisqu'il contribue de fait à l'augmentation des taux d'émissions de CO2... qu'on cherche par tous les moyens à faire baisser par ailleurs. Sur 2018, la moyenne des émissions sur les ventes automobiles françaises a augmenté à 111,8 grammes au kilomètre, et les cabinets d'analyse s'accordent à dire qu'une nouvelle progression est à prévoir sur 2019. 

On est bien loin de l'objectif des 95 grammes imposés par les autorités européennes aux constructeurs pour 2021. Hormis un essor fulgurant (et pour le moment peu probable) des modèles hybrides rechargeables ou électriques, la donne ne risque pas de changer. Car le décisionnaire final reste l'automobiliste... et ses désirs pour le moment ont bien du mal à s'accorder avec ceux du régulateur.