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Management : les géants de l'automobile en quête d'efficacité

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- - THOMAS KIENZLE / AFP

Les constructeurs accélèrent leur mutation pour gagner en dynamisme, quitte à ouvrir de grands chantiers de réorganisation au sein de leur management.

Ford, Daimler, Renault-Nissan-Mitsubishi... les exemples se multiplient ces derniers mois, qui tendent à prouver que le problème numéro 1 du moment dans l'industrie automobile, n'est pas tant la mutation de l'outil industriel, mais la capacité à prendre des décisions et lancer de nouveaux projets rapidement.

Le PDG de Nissan, Hiroto Saikawa, s'en est fait l'écho pour expliquer une grande partie des difficultés que Nissan rencontre ces derniers mois. Si la présidence Ghosn a créé une sorte d'état dans l'état, la prise de décision et le lancement de nouveaux projets ont également souffert d'une trop grande lourdeur de l'organisation, et de trop nombreuses strates de hiérarchie qui ont ralenti différents processus.

« Efficacité redoutable »

Ainsi, Nissan s'est retrouvé incapable de renouveler suffisamment une gamme vieillissante, d'impulser un changement de politique commerciale sur le marché américain, ou de lancer de nouvelles dynamiques vitales de manière efficace, comme l'accélération sur l'hybride et l'électrification. 

Un chantier qui va désormais être commun avec le reste des constructeurs de l'Alliance, sous l'impulsion de Renault, et du nouveau comité exécutif. « Il sera d'une efficacité redoutable », a promis Jean-Dominique Senard, nouveau patron de Renault et de ce nouvel organe de direction.

Transversalité ou verticalité ?

Le but : réorganiser les coopérations autour d'une organisation par projets, de manière transversale, de manière a faire avancer des dynamiques de développement commune à tous les constructeurs. Sélectionner les meilleures idées, et les faire avancer en commun chez chaque entité, avec un responsable unique à la tête de chaque grand projet. Une mutation qui prendra sans doute un certain temps, tant l'héritage des anciens types de management, très verticaux, semble lourd et difficile à changer.

Une quête de dynamisme qu'on a senti aussi chez Daimler cette semaine. Après 13 ans de règne, le patron sortant, le charismatique Dieter Zetsche, laisse à son successeur Ola Källenius un groupe restructuré autour de 3 grands pôles, plus en cohérence avec les tendances du moment. Mercedes-Benz, en charge de voitures et des véhicules utilitaires, Daimler Trucks qui se focalisera sur les poids lourds, et Daimler Mobility qui aura sous sa responsabilité les nouveaux services, le digital et les services financiers. 

Transformations plus ou moins radicales

Une nouvelle organisation faite sur des bases plus traditionnelles et verticales, mais garantes d'économies et surtout d'agilité, promet Daimler, qui termine l'Ere Zetsche sur un constat d'insatisfaction en matière de rentabilité mais aussi d'efficacité et de dynamisme. Grâce à cela, Daimler prévoit une reconquête de sa marge opérationnelle, qui devrait repartir à la hausse de 7,8% l'année dernière à 8 voire 10% à horizon 2021. La recherche et le développement notamment, vont devenir moins coûteux grâce à un recours accru à la digitalisation et à la simulation.

Mais l'exemple le plus significatif est sans doute celui de Ford, confronté à un marché rendu de plus en plus difficile par la présence du géant mondial sur plusieurs marchés distincts, aux tendances extrêmement contrastées. Un marché américain où seuls les segments SUV et 4x4 continue de progresser, et où les berlines et compactes sont en baisse continue... Alors que la gamme Ford a besoin d'un grande mutation en Europe, en faveur de modèles plus modernes de petites et moyennes taille, et de plus en plus électrifiés.

« Réduire la bureaucratie »

Outre de nombreux lancements de produits, Ford a répondu aussi à ce défi par la manière forte : une réduction de 10% de ses effectifs à travers le monde, soit 7.000 suppressions de postes. Mais aucune mesure significative ne viendra toucher l'outil de production : l'objectif est, et le patron de Ford le dit explicitement, « en finir avec la bureaucratie ».

« Pour réussir dans notre secteur concurrentiel et positionner Ford dans un avenir en mutation rapide, nous devons réduire la bureaucratie, responsabiliser les managers, accélérer la prise de décision, nous concentrer sur les tâches à plus forte valeur ajoutée et baisser les coûts » a dit Jim Hackett, PDG de Ford, dans une lettre ouverte à ses salariés.

Quand le management doit s'aligner sur l'outil

 20% des postes de managers vont donc être supprimés d'ici le mois d'août. Certes, le groupe en tirera des économie substantielles (600 millions de dollars d'économies par an), mais le but est bel est bien que rien ne puisse ralentir la mise en place de nouveaux projets le plus rapidement possible, au milieu d'un monde automobile en pleine révolution, et où le moindre retard dans une prise de décision industrielle peut conduire à une très forte perte de valeur.

Car le monde automobile sait s'adapter industriellement, de manière « darwinienne » comme se plaît à la répéter Carlos Tavares, patron de PSA. Changement réglementaires brutaux, accélération forcée vers l'électrique, mise au ban du diesel... L'industrie automobile vit une révolution où il est vital de pouvoir réagir le plus rapidement possible à chaque nouvelle étape. L'outil industriel a prouvé qu'il était suffisamment souple et flexible désormais pour répondre a des défis structurels qui arrivent de plus en plus soudainement. 

PSA et Volkswagen ont démontré qu'une seule et même ligne de production pouvait, au besoin, produire des voitures de types tout à fait différents avec toutes les possibilités de motorisations disponibles, et qu'une usine spécialisée en technologie thermique pouvait en quelques mois d'adaptation se convertir à la motorisation électrique. Mais l'industrie automobile doit aussi désormais faire sa révolution managériale, sous peine de mettre en péril ses incroyables efforts de transformation industrielle.