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Médicaments: la pub rend l'effet placebo plus puissant

La différence d'efficacité entre médicament et placebo se réduit sensiblement ces dernières années aux Etats-Unis.

La différence d'efficacité entre médicament et placebo se réduit sensiblement ces dernières années aux Etats-Unis. - Taki Steve - Flickr - CC

Lors des essais cliniques, les patients qui testent un faux traitement sans le savoir sont de plus en plus nombreux à le trouver efficace. Presque autant que ceux qui reçoivent le vrai médicament. Un phénomène auquel les chercheurs ont trouvé une explication surprenante.

L'effet placebo est de plus en plus puissant. Ce qui contrarie passablement les compagnies pharmaceutiques dont les nouvelles molécules ont le plus grand mal à passer les essais cliniques. Mais elles seraient les premières responsables de ce phénomène. Les chercheurs qui l'ont mis à jour en rendent partiellement responsable la publicité pour les médicaments.

Reprenons au début. Lorsque les laboratoires veulent vérifier l'efficacité d'un nouveau médicament, ils procèdent à des tests dont le protocole est très réglementé. Ils doivent répartir les volontaires en deux groupes. Au groupe A, ils vont distribuer la pilule qu'ils ont développée, au groupe B, un "faux médicament", qui ne contient aucun principe actif: un placebo. La preuve de l'efficience de la vraie substance sera démontrée si les membres du groupe A sont plus nombreux que ceux du groupe B à se sentir "guéri".

Problème, raconte la revue américaine Nature, les compagnies pharmaceutiques qui mettent au point de nouveaux anti-douleurs obtiennent des résultats de plus en plus médiocres à ces tests. Et en analysant précisément les données issues de leurs essais, des chercheurs canadiens ont réalisé que ce n'est pas le médicament qui devient moins performant: c'est le placebo qui "soigne" de plus en plus !

Un phénomène américano-américain

Ces analystes de l'Université McGill à Montréal ont passé au crible 84 essais cliniques organisés entre 1990 et 2013. Sur la période, la réponse au médicament censé soigner certains symptômes est restée à un niveau équivalent. Ce qui a changé, c'est l'écart entre le nombre de patients soulagés après avoir pris le vrai traitement et ceux soulagés après avoir pris le placebo. Il s'est sensiblement réduit, de 27% en 1996 à… 7% en 2013 !

A la grande surprise des chercheurs, ce changement de réponse aux traitements "inactifs" ne vaut que pour les essais cliniques américains. Rien de tel en Europe, en Asie ou ailleurs. Seulement aux Etats-Unis.

Conséquence: dans ce pays, au cours des dix dernières années, plus de 90% des médicaments potentiels pour le traitement de la douleur neuropathique et le cancer ont échoué à des phases avancées d'essais cliniques, souligne le neuroscientifique de l'Université de Turin Fabrizio Benedetti.

Des attentes grandissantes 

Le fait que cette évolution soit si localisée laisse penser aux chercheurs que la publicité directe de médicaments aux consommateurs a peut-être un effet sur leurs attentes. Les USA sont en effet le seul pays au monde -avec la Nouvelle-Zélande- à autoriser la réclame pour des médicaments uniquement délivrés sur ordonnance. Les laboratoires dépensent ainsi des sommes colossales dans la publicité, tout particulièrement depuis un assouplissement des règles intervenu en 1997. Soit à peu près au moment où l'effet du placebo a commencé à se renforcer, selon l'étude canadienne.

Les chercheurs estiment que, confrontée à la publicité qui vante les miracles que peuvent accomplir les médicaments, la population a commencé à avoir des attentes plus fortes, à croire davantage à leur efficacité. Le mécanisme psychologique ou physiologique qui joue dans l'effet placebo s'en serait ainsi trouvé renforcé.

La pub ne serait néanmoins pas la seule responsable. Les données de l'étude suggéreraient par ailleurs que plus l'essai clinique s'inscrit dans la durée, et plus il est vaste, plus l'effet placebo augmente. Comme si, raconte Nature, "le glamour et la brillance de la présentation amélioraient indirectement les attentes des cobayes".

N.G.