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Même quand c'est un algorithme qui décide, les hommes gagnent plus que les femmes

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- - Daniel Leal-Olivas - AFP

L'algorithme d'Uber ne prend pas en compte le sexe du chauffeur. Pourtant, les hommes sont payés 7% de plus de l'heure que les femmes.

À l’ère de l’économie collaborative, aussi appelée gig economy (économie des petits boulots) par les anglophones, des experts prédisent l'égalité salariale entre les sexes. Flexibilité des horaires, faibles exigences de formation et surtout, dans le cas d’Uber notamment, des algorithmes qui ne prennent pas en compte le sexe du travailleur : tous ces éléments viennent appuyer la thèse.

Environ neuf Américaines sur dix exerçant dans la gig economy estiment que cette nouvelle organisation du travail favorise l’égalité salariale, selon une étude d'Hyperwallet, quand seulement quatre sur dix pensent que les emplois classiques offrent les mêmes possibilités.

Malheureusement, la pratique vient contredire la théorie. Pendant plus de deux ans, des universitaires américains et des économistes d’Uber ont analysé les rémunérations d’environ 2 millions de chauffeurs ayant travaillé pour l’application aux États-Unis, dont moins de 30% sont des femmes. Résultat, les hommes gagnent en moyenne 21,28 dollars par heure contre 20,04 pour leurs consœurs, soit 7% de plus.

Sélectionner les endroits lucratifs

Les auteurs de l’étude ont identifié plusieurs facteurs explicatifs liés à l’expérience. D’abord, "les hommes ont tendance à se rendre dans des endroits plus lucratifs", expliquent-ils. Puisque le prix d’une course varie selon la demande, l’objectif pour un chauffeur est de se rendre à des endroits où elle est élevée à un instant donné pour maximiser sa rémunération.

Faire le tri entre les courses

Les femmes roulent moins souvent que les hommes (21,83 courses contre 31,52 en moyenne par semaine) et ont plus tendance à arrêter de travailler pour Uber. Or, plus on roule, plus on gagne de l'expérience... et de l'argent. Les chauffeurs qui ont effectué plus de 2500 trajets touchent 14% de plus par heure que ceux qui n’ont pas dépassé la barre des 100 trajets.

En prenant de l’expérience, ils savent non seulement où et quand rouler pour gagner plus, mais aussi faire le tri entre les courses qui valent le coup d’être acceptées et celles qui vaut mieux annuler.

Les hommes roulent plus vite

Plus surprenant, la vitesse de conduite permet d’expliquer la majorité de l'écart de rémunération. Les chauffeurs sont payés en fonction de la distance et de la durée du trajet. S’ils conduisent plus vite, le temps de trajet est réduit et leur rémunération aussi. À première vue, le système de rémunération n’incite pas à jouer les fous du volant. Sauf que cette perte est "largement compensée" par les gains kilométriques.

En clair, plus un chauffeur roule vite, plus il finit sa course tôt et peut enchaîner sur une autre course, afin de parcourir une distance plus grande en un temps donné. Les auteurs ont calculé que les hommes conduisent 2,2% plus vite que les femmes, d'où l'écart de rémunération. Étrangement, en prenant plus de risques, ils gagnent plus.

"L'apprentissage sur le tas"

Avec les algorithmes, la discrimination s'évapore mais les différences de rémunération demeurent. "Ces résultats montrent que l'apprentissage sur le tas peut davantage contribuer à l’écart salarial entre les hommes et les femmes que ce que l’on pensait", lit-on dans l'étude.

Par ailleurs, la question du comportement entre aussi en jeu. On l'a vu, les choix de conduire plus souvent et plus vite expliquent les écarts de rémunérations entre les chauffeurs Uber. Ces problématiques, déjà présentes dans le monde du travail traditionnel d'après les auteurs, persistent dans la gig economy.

Jean-Christophe Catalon