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Mort de Liliane Bettencourt: quel impact pour L'Oréal?

Le décès de Liliane Bettencourt fait de facto disparaître une clause du pacte d'actionnaires avec Nestlé

Le décès de Liliane Bettencourt fait de facto disparaître une clause du pacte d'actionnaires avec Nestlé - Joël Saget - AFP

Le décès de la femme la plus riche du monde va de facto briser un pacte d'actionnaires qui empêchait Nestlé d'augmenter sa participation dans le groupe de cosmétiques. Mais plus qu'un rachat par l'entreprise suisse, L'Oréal pourrait "franciser" son capital, en acquérant la part de Nestlé. Une perspective qui fait décoller le groupe français en Bourse.

Le décès de Liliane Bettencourt ne devrait pas être sans incidence pour L'Oréal. La fille d'Eugène Schueller, le fondateur du groupe de cosmétiques, était en effet la principale actionnaire du fleuron du CAC40, avec 33,05% du capital (pour l'ensemble de sa famille). Ces actions seront conservées par sa fille Françoise Bettencourt-Meyers, qui avait déjà reçu la totalité de ses parts en nue-propriété en 1992 et récupérera désormais la propriété totale de ces actions.

Surtout, le décès de la femme la plus riche du monde va nourrir les spéculations autour de l'action de Nestlé. Le géant suisse de l'agroalimentaire est actuellement le deuxième actionnaire de L'Oréal avec 23,12%. La famille Bettencourt et le groupe suisse ont signé plusieurs versions d'un pacte d'actionnaires datant de 1974. Le dernier avenant, datant de 2014, prévoyait ainsi que les deux actionnaires principaux du groupe n'accroîtraient pas leurs parts jusqu'à une période de six mois après le décès de Liliane Bettencourt.

"Participation dormante"

Autrement dit, à partir de mars 2018, le géant suisse pourrait parfaitement augmenter ses parts dans L'Oréal. Or pendant des années, Nestlé a lorgné le capital de l'une des entreprises françaises les plus prestigieuses (et parmi les plus rentables). En 1992, le patron de Nestlé à l'époque, Helmut Maucher allait même jusqu'à affirmer au Wall Street Journal avoir "bien en tête" le contrôle de L'Oréal. Et les avocats de Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt condamné par la justice pour "abus de faiblesse" sur l'héritière, avaient plusieurs fois soutenu que Françoise Bettencourt-Meyers songeait à favoriser la prise de contrôle du groupe par Nestlé. Ce que cette dernière a toujours nié.

Toujours est-il que si Nestlé a la possibilité d'augmenter sa participation dans L'Oréal, le moment pour cette opération n'est pas franchement propice. Au contraire. En juin dernier, le fonds activiste Third Point s'était emparé de 1% de Nestlé et exigeait que ce dernier se sépare de "sa participation dormante" dans L'Oréal, jugeant le moment opportun pour la "monétiser". Il faut dire que L'Oréal a récemment dépassé les 100 milliards d'euros de capitalisation (l'entreprise vaut 103 milliards d'euros actuellement).

Dès lors, les marchés spéculent sur une autre possibilité: L'Oréal pourrait elle-même racheter les parts de Nestlé valant actuellement 23,6 milliards d'euros. "Le leader mondial des cosmétiques pourrait ainsi racheter cette participation en utilisant son bilan", soulignaient ainsi dans une note les analystes d'Aurel BGC ce vendredi, cités par l'AFP.

Des questions en suspens

"Rappelons en outre que L'Oréal détient 9% du capital de Sanofi, ce qui pourrait l'aider à financer le rachat éventuel des parts de Nestlé. Mais à ce stade, rien n'est encore écrit", complétaient-ils. De plus, L'Oréal a comme avantage d'être très peu endetté, ce qui donne des marges financières.

Ces spéculations font que le titre L'Oréal a progressé de 5% à l'ouverture de la Bourse de Paris ce vendredi. Vers 11h15, le titre gagnait encore 3,6%.

Reste qu'il s'agit de simples hypothèses et que de nombreuses questions se posent sur ce schéma. "Nestlé a-t-il intérêt à se séparer aujourd'hui d'une participation qui représente 10% de son profit net?", s'interroge ainsi Pierre Tegner, analyste chez Natixis AM.

De même, "le management de L’Oréal souhaite-t-il vraiment dépenser 14 milliards d’euros uniquement pour réduire le nombre de ses actions et augmenter le bénéfice par actions", ajoute-t-il. Ces 15 milliards correspondent à l'argent nécessaire pour acquérir la participation de Nestlé (23,3 milliards) moins le produit théorique de la vente des parts dans Sanofi (environ 9,8 milliards).

Un autre problème de taille risque de se poser. Si L'Oréal achète les parts de Nestlé pour les annuler, la part de la famille Bettencourt va mécaniquement augmenter. Elle dépasserait alors le seuil de 33% au-dessus duquel un actionnaire est tenu de formuler une OPA sur l'ensemble des titres. L'Autorité des marchés financiers donnerait-elle alors une dérogation à la famille Bettencourt?