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Neutralité du Net: une victoire pour les uns, un recul pour les autres

Pour les FAI, ces nouvelles règles rappellent l'ère "de la locomotive à vapeur et du télégraphe"

Pour les FAI, ces nouvelles règles rappellent l'ère "de la locomotive à vapeur et du télégraphe" - Mark Wilson (Getty Images/AFP)

Le régulateur américain des télécoms a adopté jeudi une nouvelle réglementation visant à empêcher l'émergence d'un internet à deux vitesses. Les géants du net sont heureux, mais les FAI s'inquiètent des conséquences.

Au Etats-Unis, la neutralité du Net est passée de justesse. Les commissaires de la commission fédérale des communications (FCC) ont adopté par trois voix contre deux des règles qui interdisent aux fournisseurs d'accès à internet (FAI) de ralentir ou bloquer certains contenus ou services en ligne ou encore d'accorder une connexion plus rapide à certains d'entre eux moyennant finances.

Le régulateur veut ainsi garantir la "neutralité" d'internet, un principe qui fait polémique d’un bout à l’autre de la planète. Cette notion repose sur un accès identique à la toile pour tous.

"Internet est l'outil ultime de la liberté d'expression" et il "est trop important pour permettre aux fournisseurs d'accès à haut débit de fixer les règles", a encore fait valoir avant le vote jeudi le président de la FCC, Tom Wheeler.

Le message est clair. Il s'adresse aux FAI qui avaient réussi, il y a un an, à faire annuler un régulation précédente de la FCC. A l'époque, Verizon, l'opérateur américain, avait lancé un recours en justice. Cette fois, malgré des débats très vifs, le nouveau projet est passé.

Pour Ajit Pai, l'un des deux commissaires opposés au projet, cette décision est "un virage monumental vers un contrôle gouvernemental d'internet".

Internet, un service public comme l'eau et l'électricité

Les nouvelles règles s'appuient sur une reclassification de l'accès à internet à haut débit, qu'il soit fixe ou mobile, en tant que service public, au même titre que l'eau ou l'électricité.

La FCC estime donc avoir le droit de surveiller les pratiques des fournisseurs d'accès en s'appuyant sur une législation sur les télécoms de 1934. M. Wheeler a promis de ne pas utiliser toutes les dispositions prévues par cette loi, assurant notamment que la FCC ne tenterait pas d'encadrer les tarifs pratiqués. Mais les fournisseurs d'accès comme AT&T, Verizon ou Comcast ont jugé que le recours à une législation si ancienne allait entraîner une régulation trop lourde. Déjà, plusieurs d'entre eux ont menacé de lancer de nouveaux recours judiciaires.

Les nouvelles règles "vont alourdir les services internet à haut débit avec des régulations mauvaises et antiques", conçues "à l'ère de la locomotive à vapeur et du télégraphe", a immédiatement critiqué Verizon dans un communiqué dont la première version a été diffusée en... morse avant de faire place à une autre version semblant avoir été tapée à la machine à écrire.

Le groupe reproche à la FCC de vouloir "changer la manière dont internet fonctionne depuis sa création", affirmant que c'est le peu de régulation ces dernières années qui a permis les investissements ayant conduit au déploiement des réseaux à haut débit. Il met en garde contre "des conséquences négatives imprévues pour les consommateurs et diverses parties de l'écosystème d'internet".

L'opposition républicaine pourrait tenter d'utiliser sa majorité au Congrès pour invalider les nouvelles règles. Elle accuse surtout la FCC d'avoir cédé aux pressions de la Maison Blanche. Le président américain s'est félicité jeudi de la décision de la FCC, estimant qu'elle "protègera l'innovation et créera des règles du jeu égales pour tous pour la prochaine génération d'entrepreneurs".

La CCIA, association qui compte parmi ses membres des géants technologiques comme Amazon, eBay, Facebook, Google ou Microsoft, a également évoqué "un jour historique". "Les internautes ont des garanties qu'ils pourront continuer à accéder à toutes les applications, sites et services en ligne qui existent, de même qu'à ceux qui sont encore en développement dans le sous-sol de quelqu'un ou une chambrée" d'étudiants, a-t-elle commenté dans un communiqué.

Erik Stallman, du Centre pour la démocratie et la technologie, a estimé pour sa part que la FCC préservait "le principe de non-discrimination qui a été essentiel à l'évolution d'internet, de même qu'à sa puissance comme moteur de croissance économique et de débat démocratique".

P.S. avec AFP