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Non, les industriels ne rentrent pas dans leur frais grâce aux promotions

Dans 60% des cas, les promotions occasionnent des pertes nettes de chiffre d'affaires pour les industriels qui les proposent.

Dans 60% des cas, les promotions occasionnent des pertes nettes de chiffre d'affaires pour les industriels qui les proposent. - PHILIPPE HUGUEN - AFP

Dans près de 60% des cas, les promotions consenties par les industriels et les distributeurs ne provoquent pas de hausse de ventes suffisante pour combler leur manque à gagner, selon une étude parue ce jeudi.

Les marques perdent plus qu'elles ne gagnent à faire des promotions sur leurs produits. 60% des produits bénéficiant d'une réduction entament la rentabilité des industriels qui les fabriquent, selon une étude du cabinet Nielsen publiée ce jeudi 25 juin.

Pour parvenir à ce résultat, le cabinet a analysé la performance de 76 millions d'opérations promotionnelles. Les -20%, -30%, et autres produits gratuits en plus, ou 3 achetés pour le prix de 2... Une étude menée dans sept pays différents: les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Espagne et le Canada.

40% de réduction fait tripler les ventes

Le cabinet récupère habituellement tous les chiffres de ventes des distributeurs en France et dans le monde. "Code barre par code barre, que le produit soit en promotion ou non, semaine par semaine, magasin par magasin", explique Raphaël Proult, directeur chez Nielsen.

Pour cette étude, ses analystes ont comparé les ventes d'un produit en promotion avec le même produit sur une même période, vendu à son prix "normal". Sur certaines catégories de produits, une réduction de 40% de réduction multiplie les ventes par trois, a constaté Nielsen. Reste que dans la majorité des cas, les ventes supplémentaires générées par les promotions ne sont pas rentables au regard du manque à gagner lié à la baisse consentie par le fabricant.

Sans même aller jusqu'à prendre en compte les dépenses en marketing autour de la promotion, le cabinet a estimé que dans plus de la moitié des cas, même si les ventes augmentent, le chiffre d'affaires est moins important que celui récupéré sur la même période avec le même produit, hors promotion.

Une guerre des promotions en France

Selon Nielsen, ces pertes ont "eu tendance à augmenter ces trois dernières années", alors que les investissements en promotion ont eu tendance à progresser pour satisfaire des clients au pouvoir d'achat contraint et toujours plus en attente de prix barrés. En France tout particulièrement.

Des sept pays observés, l'Hexagone est le deuxième, derrière les Etats-Unis, où les promotions sont le moins rentables. 58% des produits à prix réduits engendrent une perte nette pour l'industriel. En cause: "le taux de discount très fort en France par rapports aux autres pays", souligne Raphaël Proult. En l'espace de dix ans, le phénomène s'est accentué. Selon Nielsen, les produits vendus en grande distribution en France bénéficiaient en 2002 de promotions de -18% en moyenne. En 2014, elles atteignaient -32%!

On assiste à "une guerre de promotions en France, à la fois de la part des distributeurs et des fabricants", ajoute le directeur chez Nielsen. Il rappelle d'ailleurs une autre étude de son cabinet selon laquelle les consommateurs français avaient récupéré 3,8 milliards d'euros en promotion en 2014.

Les promotions trop banales sur la lessive

Certaines catégories de produits arrivent néanmoins à tirer leur épingle du jeu et à générer quelques profits, comme les pâtes à tartiner, les huiles ou les cosmétiques pour le visage, qui ont été profitables entre 5 et 6 fois sur dix. A l'inverse, les pires rentabilités apparaissent sur les édulcorants, les salades pré-emballées ou les papiers essuie-tout, où les trois quarts des promotions se soldent par une perte.

Deux raisons à ces différences, selon Nielsen. "Sur certaines catégories, les stratégies promotionnelles sont très poussées. Les industriels ont bien étudié les produits sur lesquelles les promotions sont les plus rentables", indique Raphaël Proult. En outre, les promotions sont plus rentables sur les produits dont le prix est élevé en temps normal. En revanche, "si le consommateur a l'impression que le prix du produit pèse peu sur son budget course, il ne va pas se précipiter sur les promotions", détaille-t-il.

Les promotions perdent également nettement en rentabilité lorsqu'elles se banalisent. "Les lessives, par exemple, sont chaque semaine en promotion. Forcément, l'impact est mauvais, parce que la personne qui fait ses courses sait qu'elle va trouver un produit en réduction".

Nina Godart avec AFP