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Nouvelle tentative des libraires face à Amazon

Toutes ces tentatives bénéficient de subventions publiques

Toutes ces tentatives bénéficient de subventions publiques - Wikimedia commons cc

Cinq ans après l'échec coûteux de 1001libraires.com, les libraires relancent un projet moins ambitieux.

Lancé il y a une semaine, le site www.librairiesindependantes.com se veut la réponse des libraires français à Amazon. C'est un moteur qui recherche le livre désiré parmi les librairies indépendantes de l'Hexagone. L'acheteur peut soit aller chercher l'ouvrage dans une librairie proche de chez lui, soit se le faire livrer à domicile, mais doit payer pour cela 5 à 8 euros supplémentaires... soit parfois autant que le prix du livre lui-même.

Ce site a été lancé par le Syndicat de la librairie française, et a coûté "quelques dizaines de milliers d'euros", indique son délégué général Guillaume Husson.

Pour réaliser le site, le syndicat a lancé un appel d'offres qui a été remporté par la place de marché www.leslibraires.fr. Celle-ci a été lancée fin 2011 par la librairie brestoise Dialogues, et regroupe aujourd'hui près de 200 librairies indépendantes. Le montant des livres commandés sur www.leslibraires.fr s'élève à 2 millions d'euros par an, indique son dirigeant Thomas Le Bras. Le site a bénéficié de 30.000 euros de subventions publiques à son lancement, via le Centre national du livre (CNL).

Bis repetita

Ce n'est pas la première fois que les libraires indépendants se lancent sur le net pour concurrencer Amazon. Après une dizaine d'années de gestation, ils avaient lancé en avril 2011 www.1001libraires.com, un projet bien plus ambitieux, mais qui fut un échec cuisant, et fermera dès juin 2012.

Un échec expliqué ainsi par Vincent Monadé, président du CNL: "Le site a été créé trop tard. L’erreur a été de vouloir concurrencer Amazon sur son propre terrain, en créant des entrepôts, qui génèrent des coûts de gestion très élevés, mais aussi des coûts de stockage et de personnels".

Mais ce n'est pas tout. Le site était aussi handicapé par des bugs techniques et des frais de port payants. En outre, un audit de l'Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) a fustigé un effectif trop nombreux avec des salaires trop élevés. "La difficulté majeure provient de l’absence du management réel de la structure. Les difficultés rencontrées imposent la présence effective et permanente d’une gouvernance forte, en la personne de son président", pointe l'audit, révélé par le site Actualitte.

Suite à cet audit, le site tentera de se relancer début 2012 en simplifiant son ergonomie, fermant sa plate-forme logistique, licenciant plusieurs personnes, et remerciant son président Christian Thorel. Mais en vain...

1,6 million d'euros de pertes cumulées

PL2I, la société opérant le site, cumulera 1,6 million d'euros de pertes pour un chiffre d'affaires d'à peine 176.600 euros. Sachant que le prix moyen d'un livre est de 6 euros, le site aurait donc vendu seulement 30.000 ouvrages...

L'addition a été supportée par 34 librairies et 2 associations (qui avaient investi 720.000 euros), l'ADELC (500.000 euros), le Cercle de la librairie (250.000 euros de subvention et autant de prêts), et le CNL (qui a apporté 700.000 euros). Soit une bonne partie d'argent public: directement via le CNL, et indirectement via l'ADELC qui est subventionnée par le CNL...

Dans la série des flops financés sur fonds publics, il faut aussi signaler le projet mort-né MO3T d'Orange, qui avait reçu 3 millions d’euros d'avances remboursables dans le cadre des investissements d’avenir...

Les libraires réticents face au numérique

Un sondage TNS-Sofres commandé en 2012 montre que les réticences des librairies indépendantes vis-à-vis du numérique sont profondes et structurelles, dont les conclusions ont été reprises dans un rapport de l'Inspection des affaires culturelles. Selon ce rapport, "les libraires éprouvent un sentiment de crainte à l’égard du livre numérique, et notamment celle d’une marginalisation au cas où la vente d’e-books devenait un jour significative, et une croyance ferme que le numérique ne supplantera jamais le livre imprimé. Cela est révélateur d’une relative méconnaissance des enjeux du numérique et de la vente de biens culturels dématérialisés par nombre de libraires, qui estiment que cet univers technologique leur est étranger. Certains libraires livrent un vrai combat idéologique contre le livre numérique.
60% des libraires interrogés se déclarent 'plutôt pas intéressés' ou 'pas du tout intéressés' par l’éventuel développement d'une offre numérique. Le point sur lequel les libraires marquent le moins d’enthousiasme est la vente de liseuses en librairie, car ils y voient une activité très éloignée de leur cœur de métier".

Jamal Henni