BFM Business
Culture loisirs

Numéro 23 sauve sa fréquence

-

- - Jean-Loup Gatreau AFP

"Le Conseil d'État a annulé le retrait de la fréquence de Numéro 23 décidé par le CSA."

Numéro 23 échappe à la guillotine. La chaîne TNT va pouvoir continuer a émettre. Telle est la décision rendue mercredi 30 mars par le Conseil d'État. Précisément, la haute juridiction a annulé la décision du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) du 14 octobre qui retirait sa fréquence à cette petite chaîne gratuite de la TNT.

Accord avec un Russe

Précisément, le CSA contestait les relations entre Numéro 23 et l'un de ses actionnaires, United TV Holding (UTH), filiale du groupe USM du Russe Alicher Ousmanov. En octobre 2013, Numéro 23 avait cédé 15% de son capital à UTH pour 10 millions d'euros. À cette occasion, un pacte d'actionnaires avait été signé, qui accordait une série de droits à UTH, notamment la possibilité de revendre ses parts -ce que les financiers appellent dans leur jargon une clause de liquidité. Précisément, cette clause stipule que "l'objectif est de vendre 100% des actions dès que raisonnablement possible après janvier 2015".

Et c'est effectivement ce qui se passera. En avril 2015, Numéro 23 signe un accord pour être racheté pour 88 millions d'euros par NextRadioTV, qui possède BFMTV et ce site web.

Un cas qui fera jurisprudence

Pour retirer la fréquence, le CSA avait décidé d'utiliser un article de loi qui lui permet de retirer une autorisation d'émettre "en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation d'émettre avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social, et dans les modalités de financement". Mais, jusqu'à présent, cette arme fatale n'avait été utilisée que deux fois pour des radios locales: Sud Vendée en 1997 et Fréquence Mistral en 2006.

Le CSA estimait qu'"une modification substantielle" avait bien eu lieu. Toutefois, l'été dernier, Régis Fraisse, un conseiller d'État choisi par le CSA comme rapporteur indépendant pour instruire cette affaire, avait considéré au contraire que la "modification substantielle" n'était pas démontrée. 

Fraude à la loi

Le débat portait donc sur la nature de cette "modification substantielle". Pour le CSA, Pascal Houzelot (principal actionnaire de Numéro 23) a "dès mai 2013, cherché avant tout à valoriser à son profit la fréquence dont bénéficiait Numéro 23, et ce dans la seule perspective d'une cession du capital à un nouvel actionnaire avant fin 2015. Une telle démarche constitue un abus de droit à caractère frauduleux". 

Mais, pour le Conseil d'État, "l'existence d'une fraude à la loi n'est pas démontrée par le CSA". En effet, "le pacte d’actionnaires ne suffit pas à démontrer que Pascal Houzelot ne poursuivait, depuis l’origine, qu’une intention spéculative". Précisément, "la conclusion en octobre 2013 de cet engagement de sortir du capital en 2015 ne suffirait pas pour démontrer qu’au moment de la présentation d’une candidature fin 2011, ou de la délivrance de l’autorisation d'émettre en juillet 2012, Pascal Houzelot aurait eu pour seul objectif de réaliser une plus-value à l’occasion d’une cession anticipée de ses actions". En outre, "Numéro 23 a bien mis en œuvre les moyens nécessaires à l’exploitation de la chaîne".

Selon le Conseil d'État, la fraude aurait été constituée si Pascal Houzelot avait "sollicité une autorisation d'émettre dans le but exclusif de réaliser une plus-value, sans avoir réuni les moyens nécessaires pour exploiter la chaîne conformément aux engagements souscrits".

Contrôle conjoint

Autre argument du CSA: les droits accordés à UTH donnent au Russe un contrôle conjoint sur Numéro 23 avec Pascal Houzelot. Or ce contrôle conjoint n'a pas été approuvé par le CSA. Mais ce point était contesté. Le 9 juillet, le rapporteur indépendant auprès du CSA Régis Fraisse avait conclu l'inverse. Et le Conseil d'État n'aborde pas ce débat dans sa décision.

Enfin et non des moindres, le CSA estimait que le recours de Numéro 23 n'était pas valable car déposé trop tard, mais cet argument a été écarté par les juges du Palais Royal.

Et maintenant?

Dans un communiqué, le CSA regrette "qu'en l'état de la législation, il ne lui est pas possible de remplir pleinement sa mission en sanctionnant les comportements des chaînes".

Toutefois, une remise en vente de Numéro 23 semble exclue à court terme. D'abord, le projet de rachat par NextRadioTV a été abandonné, et est aujourd'hui caduque. Surtout, à l'initiative de la sénatrice UDI Catherine Morin-Desailly, un amendement a été voté l'an dernier pour encadrer les reventes des chaînes de la TNT. Selon cet amendement, le CSA doit désormais donner son feu vert à un rachat "en tenant compte du respect par la chaîne, lors des deux années précédant l’année de la demande, de ses obligations" figurant dans la convention d'émettre. Or Numéro 23 n'a pas respecté ses obligations concernant les quotas de films français et européens au moins en 2013 et 2014. 

L'actionnariat de Numéro 23

PHO Holding (Pascal Houzelot): 72,25%*
UTH (United TV Holding) Russia Ltd: 15% 
Xavier Niel: 2,6%
LVMH: 2,6%
Casino: 2,6%
Impala (Jacques Veyrat): 1,3%
Orefa: 0,8%
Lucide Media (Omer Cherif Machichi): 0,5%
Henri Briard: 2,6%

*PHO Holding a émis pour 9 millions d'euros d'obligations auprès de:
QIPCO (Qatar investment & projects development holding WLL): convertible en 3,73% du capital
Xavier Niel: convertible en 1,1% du capital
LVMH: convertible en 1,1% du capital
M Conseil en communication (Etienne Mougeotte): convertible en 0,75% du capital

Jamal Henni