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Orange perd son procès contre la Commission européenne

Au coeur de l'affaire, le paiement du trafic échangé sur internet

Au coeur de l'affaire, le paiement du trafic échangé sur internet - Eric Gaillard Reuters

L'opérateur téléphonique contestait un raid surprise effectué en juillet 2013 dans ses locaux par la direction de la concurrence bruxelloise, qui enquêtait sur l'échange de trafic internet entre opérateurs.

Le tribunal européen de Luxembourg a débouté Orange mardi 25 novembre de sa plainte contre la Commission européenne.

L'opérateur téléphonique contestait un raid de la direction de la concurrence européenne effectué dans ses locaux du 9 au 13 juillet 2013, et révélé par le Figaro

L'ex-France Télécom avait contesté le raid, le jugeant disproportionné, inutile et arbitraire. En effet, il avait déjà été blanchi un an avant dans la même affaire par le gendarme de la concurrence français.

MegaUpload au compte-gouttes

L'affaire avait démarré en 2011 lorsqu'Orange avait décidé d'écouler au compte-gouttes le trafic provenant du site MegaUpload. Résultat: l'accès au site pirate était devenu très lent pour les abonnés d'Orange, rendant interminable le téléchargement de films. Une décision qui avait rendu furieux Cogent, l'opérateur américain fournissant en gros le trafic internet du site pirate.

Selon Cogent, Orange violait ainsi l'usage existant entre opérateurs Internet. Selon cet usage, deux opérateurs, s'ils sont chacun suffisamment gros, s'échangent gratuitement leur trafic internet. Chacun considère alors l'autre comme son pair -on parle en anglais de peering.

L'esprit de la netiquette

Toutefois, cet usage ne vaut que si les échanges entre opérateurs sont assez équilibrés. Mais si un opérateur envoie beaucoup plus de trafic qu'il n'en reçoit, alors l'échange n'est plus gratuit, et il doit payer. En général, l'échange devient payant lorsqu'un opérateur envoie deux fois plus de trafic qu'il n'en reçoit -soit un ratio de deux pour un. Pour sa part, Orange demande aux opérateurs de payer quand le ratio dépasse 2,5, et avait donc demandé à Cogent de passer à la caisse.

En pratique, Cogent se plaignait que les capacités qui lui étaient ouvertes sur le réseau d'Orange (66,5 gigabits par seconde) étaient trop faibles pour acheminer tout le trafic envoyé par Cogent, et réclamait des tuyaux deux fois plus gros. Mais Orange répondait que le trafic de Cogent avait explosé suite à son contrat avec MegaUpload, qui représentait alors 90% du trafic envoyé par Cogent.

Passager clandestin

Cogent avait d'abord porté plainte en mai 2011 contre Orange devant le gendarme de la concurrence français. Mais ce dernier avait débouté l'opérateur américain en septembre 2012. Selon l'Autorité de la concurrence française, la demande de Cogent était bel et bien excessive: "elle s’inscrit dans un contexte de ratios très fortement déséquilibrés (jusqu’à 13 pour 1 en décembre 2009), bien au-delà de la limite de 2,5 pour 1 fixée par la politique de peering d'Orange".

Orange blanchi deux fois

Cogent avait alerté en parallèle la Commission européenne, qui avait ouvert une enquête en janvier 2012 contre Orange, soupçonné de "restreindre ou dégrader la qualité" de l'accès internet, grâce à sa "position dominante". L'enquête portait aussi sur l'allemand Deutsche Telekom et l'espagnol Telefonica. Dans ce cadre, la Commission avait effectué des raids chez ces trois opérateurs en juillet 2013.

Mais ces raids ne donneront pas grand chose: finalement, la Commission a clos son enquête le mois dernier, sans avoir trouvé quoique ce soit à reprocher aux trois opérateurs...

Jamal Henni