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Organiser l'Eurovision, un gouffre financier?

La première demi-finale de l'Eurovision

La première demi-finale de l'Eurovision - Elena Volotva - EBU

Pour beaucoup, gagner ce concours de chant d'un goût discutable revient à assumer un lourd fardeau. Pourtant la Suède, elle, a su trouver la recette pour tourner cet événement à son avantage.

Comme chaque année, la pop kitsch et sucrée a le droit à sa grande messe européenne. Ce samedi 22 mai a lieu l'"Eurovision Contest Song", le grand concours européen de la chanson qui a consacré des stars aussi renommées que France Gall, Céline Dion, ABBA et (surtout) beaucoup d'autres plus anonymes.

Une compétition dans laquelle la France s'est surtout illustrée par ses piètres performances. L'Hexagone n'a ainsi plus intégré le top 10 depuis 2009 et l'interprétation de Patricia Kaas.

Un mal pour un bien? La question se pose. Pour rappel en 2012, les dirigeants de la télévision publique espagnole avait dit à la candidate ibère Pastora Soler "s'il te plait ne gagne pas", de sorte à ne pas avoir à organiser l'épreuve, le pays vainqueur devenant le pays hôte l'année suivante.

Le Danemark dans l'embarras

On peut ainsi se demander si le Danemark ne regrette pas d'avoir gagné la compétition en 2013. Le coût de l'Eurovision 2014 a, en effet, largement excédé le budget prévu par Copenhague.

En fait, il s'est même avéré trois fois supérieur aux prévisions de la ville avec un coût final de 112 millions de couronnes danoises (15 millions d'euros au taux de change de mai 2014) contre 33 millions prévus (4,4 millions d'euros). 

Et à cela s'ajoute la facture payée par DR, la télévision et radio publique danoise, qui avait dépensé 26,4 millions d'euros, comme le rapporte Eurovisionworld, soit 1 million de plus que prévu...

"Les responsabilités de l'événement"

C'est là le nœud du problème: in fine le coût de la compétition est très largement supporté par la télévision publique nationale avec souvent une aide des autorités de la ville hôte (voir encadré). D'ailleurs, si le service de presse nous assure que "l'Eurovision est relativement abordable pour les diffuseurs, au vu de la qualité de la production et des audiences qu'elle génère", il ajoute dans la foulée que "tous les diffuseurs participants sont pleinement conscients qu'il y a une chance de gagner et donc d'organiser l'événement avec toutes les responsabilités que cela incombe".

Encore aujourd'hui la Bulgarie, la Croatie ou encore la Slovaquie ne participent pas à la compétition pour des raisons financières. Faut-il en déduire que le vainqueur est toujours condamné à organiser un événement déficitaire? La Suède est le parfait contre-exemple.

"Less is more"

En 2013, le pays choisit d'organiser l'évènement dans la petite ville portuaire de Malmö (318.000 habitants). Les organisateurs décident de revoir largement à la baisse le coût, avec 14,5 millions d'euros soit bien moins que les 34 millions dépensés l'année précédente par l'Azerbaïdjan qui au passage avait englouti en plus environ 74 millions d'euros pour ériger un "palais de cristal" au goût douteux.

L'accent est mis sur la modestie avec un mot d'ordre "less is more" ("moins c'est plus"), comme le rapportait alors Euronews. Moins d'éclairages, des salles plus petites, et la fin de coûteuses réceptions sont alors au programme. "Quelqu’un doit avoir le courage de briser la tendance (de l'envolée des coûts, ndlr)", déclare alors Martin Osterdahl, chargé d'organiser l'évènement.

La ville de Malmö et la région de Scanie mettent de leur côté 3 millions d'euros, le reste étant assumé par la télévision publique suédoise, SVT.

En août 2013, soit quelque mois après la tenue de l'événement, cette dernière publie une estimation des retombées économiques de l'événement. Résultat: la compétition a été globalement profitable, avec une hausse des recettes touristiques chiffrée à 185 millions de couronnes suédoises (20 millions d'euros) pour Malmö et sa région, comme le relate le site Esctoday.com

En outre, l'association du tourisme suédois estime que l'événement a permis à la ville de Malmö de bénéficier d'une exposition publicitaire chiffrée à 1,1 milliard de couronnes suédoises, soit 120 millions d'euros! "Nous pouvons être franchement certain que l'Eurovision 2013 sera bon pour Malmö sur le long terme", se réjouit alors le directeur du tourisme de la ville de Malmö, Johan Hermansson.

Car derrière le coût il convient de rappeler un fait: l'Eurovision a des audiences considérables: 195 millions de personnes ont ainsi regardé le show l'an dernier dans pas moins de 45 pays. De quoi donner un sérieux coup de projecteur.

Organiser l'Eurovision, combien ça coûte?

Chaque année, l'ensemble des pays participants apportent environ 5 millions d'euros via leur média nationaux à la télévision nationale en charge de l'événement. Par ailleurs, cette dernière perçoit l'intégralité des revenus des ventes de billets, ainsi qu'une part des recettes provenant du sponsoring et de l'argent perçu par le vote (SMS, appels surtaxés etc…).

"Très souvent, le média hôte reçoit en plus une contribution de la ville d'accueil", explique-t-on du côté de l'Eurovision. On arrive alors à un budget situé entre 11 et 18 millions d'euros. En incluant ensuite les recettes dues à la diffusion de l'événement "le budget peut varier selon une fourchette qui se situe quelque part entre 20 et 30 millions d'euros", explique la même source.

Les coûts proviennent notamment de la production du show (scène, éclairage, son, électricité etc..) mais aussi des équipes employées pour la sécurité, de la prise en charge des bénévoles, des infrastructures pour la presse, le transport ou encore les réceptions.

Dans le cas de Vienne, la ville hôte de cette édition 2015, l'ORF, c'est-à-dire la télévision et la radio publique autrichienne, a budgété 25 millions d'euros, soit environ 6% de son budget annuel. A ceci s'ajoute une contribution de la ville de Vienne à hauteur de 10 millions d'euros. Contactée, l'ORF n'a pas souhaité donner de détails sur les coûts engendrés par l'évènement.