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Paris attaque Airbnb en justice

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- - JOEL SAGET / AFP

La Ville de Paris assigne Airbnb en justice pour la mise en ligne de centaines de logements non enregistrés.

Paris repart en guerre contre Airbnb. La maire de la capitale entame une nouvelle action en justice et réclame une amende record. Anne Hidalgo dénonce des abus et le non-respect des procédures par la plateforme de meublés touristiques.

Au coeur de la bataille: la mise en ligne de centaines de logements non enregistrés, comme le prévoit pourtant la loi Elan. L'enquête, révélée par l'AFP et le Journal du Dimanche, a été menée par 31 agents assermentés. Ils ont épluché les annonces dans les arrondissements les plus concernés par la location, du Ier au VIIe arrondissement, et dans le populaire XVIIIe arrondissement. Des logements loués plus de 100 euros par nuit, et qui avaient plus de dix commentaires, preuve d'une mise en location régulière. Résultat: un millier d'annonces, sans numéro d'enregistrement, ont été répertoriées.

La loi Elan, entrée en vigueur en novembre 2018, rend pourtant obligatoire l'enregistrement de chaque location et limite le nombre de nuitées à 120 par an. Chaque offre non conforme est passible d'une amende de 12 500 euros. Le calcul est donc simple: l'addition pourrait s'élever à 12.5 millions d'euros pour Airbnb. « Le but est de provoquer un électrochoc pour en finir avec ces locations sauvages qui dénaturent certains quartiers parisiens » assure la maire de Paris.

« C'est une question très sensible » concède toutefois Anne Hidalgo, dans un entretien à l'AFP, la maire de Paris « ne souhaite pas que Paris se retrouve dans la situation de Venise ou Barcelone où la population s'élève contre les visiteurs », or, actuellement « ce n'est pas de l'économie de partage mais de la prédation, pas de l'artisanat mais de l'industrie lourde ».

Selon des chiffres de 2018, Airbnb propose 500 000 logements à travers la France, dont 65.000 à Paris. « Que des Parisiens puissent louer leur appartement, ou une chambre, de temps en temps, pour arrondir leurs fins de mois ne me choque absolument pas », confesse la maire Paris. En revanche, « ce qui est choquant c'est quand des gens en font vraiment leur commerce principal (...) et que ça vienne concurrencer les hôteliers, mais surtout priver des Parisiens de logements ».

Une situation qui inquiète la mairie de Paris, d'autant plus que la population de la capitale diminue depuis plusieurs années, particulièrement dans l'hypercentre, selon des études de la mairie de Paris rendues publiques récemment. La population parisienne est passée de 2 500 000 habitants en 2011 à 2 200 000 environ en 2016.

En septembre, Ian Brossat, l'adjoint communiste au logement de la Ville de Paris avait demandé l'interdiction de location d'appartements entiers via Airbnb dans les quatre premiers arrondissements, situés à proximité des sites touristiques de Notre-Dame-de-Paris, du Louvre ou de l'Opéra.

L'objectif est clair: « récupérer les logements devenus des meublés touristiques pour stopper l'hémorragie de la population parisienne » assure Ian Brossat.

Pour sa défense, Airbnb avance qu' « un Parisien sur cinq utilise aujourd'hui le site pour améliorer ses revenus et faire face au coût de la vie ».

Record d'amendes en 2018 à Paris

Le montant des amendes infligées pour sanctionner des locations touristiques illégales à Paris a presque doublé en 2018 pour s'établir à 2,1 millions d'euros en 2018, conséquence du renforcement des contrôles et des condamnations. En 2017, le montant total de ces amendes avait atteint 1,3 million d'euros.

« Ce chiffre record témoigne de l'efficacité de notre politique qui commence à porter ses fruits », avait déclaré Ian Brossat le mois dernier, en notant également que les « professionnels de la location touristique qui transforment leurs biens en machine à cash sont sanctionnés plus sévèrement que dans le passé ».

« Notre but n'est pas de tuer l'offre de locations touristiques, mais de la réguler pour que ce marché ne rentre pas en concurrence avec celui du logement » souligne l'élu qui tient toutefois à rassurer ceux qui respectent les règles: les annonces légales « ont vocation à perdurer».

Airbnb avait déjà été assigné en justice par la mairie de Paris en avril dernier, de même que Paris Attitude et Wimdu. La ville les accuse de ne pas respecter les règles encadrant la location de meublés et de contribuer à l'assèchement du marché immobilier traditionnel qui se traduit par une envolée des prix à la location.

Les ennuis ne s'arrêtent pas là pour la plateforme californienne, également dans le viseur de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie: l'Umih a assigné la plateforme devant le tribunal de commerce de Paris en novembre dernier pour « concurrence déloyale ».

Sandrine Serais