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Pénurie d’or : comment l’industrie aurifère compte se réinventer

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Le monde pourrait manquer d’or d’ici 16 ans. Un risque à relativiser car le secteur amorce sa mutation pour survivre.

L’or est-il un métal en voie d’extinction ? L'agence géologique américaine (USGS) compte 54.000 tonnes dans les réserves mondiales : avec un rythme de production de 3.260 tonnes l’année passée, les mines d’or s’assècheraient dans un peu plus de 16 ans.

Faut-il s’inquiéter ? Christian Hocquard, économiste spécialiste des métaux se veut rassurant. « Ce que l’on appelle réserves, ce ne sont qu’une part des ressources mondiales », souligne-t-il. Pour l’USGS, ce sont en effet les gisements, identifiés et mesurés, exploitables dans les conditions techniques et les prix de vente actuels. « En Russie, par exemple, on évoque depuis 25 ans un gisement monstre en Sibérie. Son tonnage n’est pas encore précisément mesuré, mais son exploitation prochaine devrait changer la donne », poursuit-il.

En outre, contrairement au pétrole, il faut aussi prendre en compte l’or en circulation. « Le stock utilisé par la bijouterie est gigantesque. Or, dès que les prix grimpent, il vient alimenter l’offre mondial par le recyclage. C’est un mécanisme de compensation sur le marché », explique Christian Hocquard. La contraction de l’offre dans les prochaines années, par la raréfaction des mines d’or, devrait pousser le cours de l’or à la hausse – et donc inciter une partie du métal utilisé par la bijouterie à revenir sur le marché.

« Il faut désormais piocher plus profondément »

Il est vrai que les nouvelles découvertes se raréfient depuis une vingtaine d’année. Aucun gisement d’envergure n’aurait été mis au jour depuis 1995. L’exploration et l’exploitation sont de plus en plus difficiles. « Les grands gisements qui affleurent à la surface, dans des mines à ciel ouvert, ont été presque tous épuisés. Il faut désormais piocher plus profondément, des régions moins faciles d’accès, avec des méthodes plus sophistiquées. C’est un défi pour l’industrie aurifère aujourd’hui », note l’économiste.

L’Afrique du Sud en fait les frais. Le pays, qui dominait autrefois le marché mondial, ne cesse de voir sa production reculer ces dernières années. Pourtant, selon l’USGS, l’Afrique du Sud possède plus de 11% des réserves mondiales, sur la deuxième marche du podium, juste derrière l’Australie. « Les gisements sud-africains sont loin d’être épuisés, mais ils sont situés au-delà de 3000 mètres de profondeur. Etant donné les conditions de travail difficiles dans ces profondeurs, cela requiert une mécanisation de l’extraction », explique-t-il, ce qui exige des investissements conséquents.

Le Grand Nord est en ligne de mire

Plutôt que d’attaquer les profondeurs, les grandes compagnies aurifères misent sur de nouvelles régions, jusqu’alors boudées pour leurs rudes températures. « Le Grand Nord est en ligne de mire. De très beaux gisements ont été repérés en Alaska ou au Canada », souligne Christian Hocquard. Mais elles lorgnent aussi sur d’autres terrains, jusqu’alors inaccessibles pour des critères politiques ou sécuritaires. « L’Equateur, qui a modifié sa législation, s’est récemment ouvert à l’exploitation de l’or. Les grandes compagnies se sont ruées dans le pays, où des gisements considérables ont été découverts ces cinq dernières années », explique-t-il.

Si la production mondiale plafonne, c’est qu’elle attend avant tout une remontée des prix de l’or. « L’exploration minière est très réactive au cours de l’or. Ce sont les bénéfices des grandes compagnies qui financent la recherche de nouveaux gisements. Si les prix remontent, l’investissement repartira de plus belle », observe Christian Hocquard. Par ailleurs, le sol regorge de gisements qui allient l’or et le cuivre. « Avec le renouveau du cuivre, toutes les grandes compagnies se lancent dans son exploitation. La production de l’or en sous-produit pourrait être significative », ajoute-t-il. 

Jérémy BRUNO