Peut-on manger 100% made in France?
Le gouvernement ne perd pas une occasion d'appeler les consommateurs à favoriser le made in France. Un documentaire diffusé sur Canal Plus l'année dernière, "Made in France, le récit d'une année 100 % française", réalisé par le journaliste Benjamin Carle, montrait déjà à quel point il était difficile de ne consommer que des produits fabriqués dans l'Hexagone. Serait-ce plus facile en ce qui concerne l'alimentation, dans un pays dont la gastronomie figure au patrimoine mondial de l'Unesco?
Les chefs étoilés Philippe Etchebest, Cyril Lignac, Ghislaine Arabian et Yves Camdeborde, réunis dans l'émission Les chefs contre-attaquent diffusé ce mercredi sur M6, se sont saisis de ce défi. "A l’aune d’une possible crise énergétique et alimentaire à l’horizon 2050, face à la succession de scandales alimentaires, au manque de traçabilité des produits et à la paupérisation de nos agriculteurs, il est impératif de changer nos comportements", tonnent-ils dans une tribune.
Premier écueil lorsqu'on veut manger de l'AOP, IGP, et autres produits labellisés de nos terroirs: être capable d'identifier leur origine. Les chefs se sont rendus au domicile de deux familles françaises, et ont vidé leur frigo, en plaçant d'un côté les aliments vraiment produits localement, et ceux dont l'origine est inconnue. Le bac "origine douteuse" se remplit vite. Sur les crèmes fraiches par exemple, une mention stipule que le produit est fabriqué en France, mais il n'est nulle part question de l'endroit où a été trait la vache.
Un caddy tricolore 20% plus cher
Deuxième obstacle: le prix. Pendant un mois, ces deux familles ont dû faire leurs courses en n'achetant que ce dont elles étaient sûres de la provenance française. Aucun budget ne leur est alloué, et heureusement, car leur caddy tricolore a coûté environ 20% plus cher qu'à l'ordinaire. Mais c'est parce qu'ils "n'ont pas changé leurs habitudes alimentaires", explique la production. "Si on privilégie les circuits courts, les fruits et les légumes de saison, la note est moins salée", affirme-t-elle. Autre solution, s'éloigner des "canaux traditionnels de distribution".
S'adapter constitue justement une difficulté supplémentaire. "L'offre de produits made in France existe, même dans les supermarchés", assure Mathieu Jean-Toscani, producteur de l'émission. Mais pour les trouver, il faut "perdre ses automatismes, prendre le temps de vérifier les étiquettes, alors que la plupart sont floues. C'est plus compliqué".
Les chefs revoient leurs pratiques
Même les chefs, dont une grande partie du travail consiste à rencontrer les fournisseurs et utiliser les produits de la région, ont été parfois contraints de revoir leurs pratiques, explique Mathieu Jean-Toscani. Ainsi Ghislaine Arabian n'a jamais vérifié l'origine de ses cornichons, convaincue qu'ils venaient de Bourgogne. Or à l'exception de leur version XXL, encore produits en Allemagne ou en Pologne, tous sont en réalité cultivés et cueillis en Inde ou au Pakistan, pour un coût défiant toute concurrence. Le chef Etchebest, lui, pique une colère lorsqu'il s'aperçoit que le coulis de tomates censé être italien vient en fait de Chine.
Finalement, la morale de l'émission n'est pas de consommer français à tout prix, mais de savoir d'où viennent les produits que l'on consomme, et de se fixer des critères exigeants pour les choisir. C'est ce qu'ils font lorsqu'ils affichent à leur carte un grand jambon italien, où qu'ils intègrent dans leurs mets des ingrédients dont ils ne peuvent se passer pour cuisiner -poivre, café chocolat ou thé- qui n'existent pas dans l'Hexagone.