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Pneu increvable : la montée en gamme de Michelin

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Michelin - Michelin

Face à la pression des concurrents asiatiques, le groupe auvergnat mise sur la montée en gamme et les services de mobilité.

Le pneu increvable sera-il bientôt sur le marché ? C’est en tout cas la promesse de Michelin pour 2024. Un pneu sans air comprimé qui supprime tout risque d’avarie pour les automobilistes. « Vous avez tous les éléments d'un pneu Michelin, sans les inconvénients », assure le nouveau président du groupe auvergnat Florent Menegaux, qui présentait mardi à Montréal son prototype baptisé « Uptis », et conçu en partenariat avec General Motors. Ce « pneu 2.0 » pourrait être commercialisé d’ici cinq ans.

Michelin vante des « bénéfices environnementaux potentiellement énormes » mais, dans le viseur du groupe, ce sont aussi les voitures autonomes. « Ces véhicules ne pourront pas se permettre le risque d’une crevaison. Dans une telle situation, une voiture autonome pourrait détecter le pneu crevé, mais serait incapable de réagir, sauf s’arrêter. Or, on estime que l’autonomie concernera entre 15% et 20% des véhicules à l’horizon 2050. Michelin est obligé de réfléchir à ces problématiques pour proposer une solution adaptée », explique Eric Espérance, associé au cabinet Roland Berger.

Increvables, intelligents, écologiques, le deuxième producteur mondial multiplie les innovations ces derniers temps. « Ce marché est aujourd’hui mis à mal par la concurrence asiatique qui l’inonde de pneus à bas coût, avec une qualité acceptable au premier regard, contraignant Michelin à monter en gamme. Le groupe mise sur son savoir-faire et se concentre sur des produits à haute valeur ajoutée », souligne l’analyste. Ce sont aussi les pneus de plus grande taille qui équipent les SUV ou les voitures sportives, un segment sur lequel les fabricants asiatiques sont peu présents.

Viser les clients spécialisés

Michelin ne risque-t-il pas de tuer son business en proposant des pneus increvables ? Repenser le pneu « ce n’est pas forcément se tirer une balle dans le pied », rétorque Gaëtan Toulemonde, analyste du secteur automobile à la Deutsche Bank. « Le groupe propose depuis peu, par exemple, des pneus utilisables quel que soit la météo. On pourrait penser, à première vue, qu’il risque d’en vendre deux fois moins qu’avant, mais les sociétés de location sont clientes de ce type de produit. Au final, le groupe y gagne, car cela lui donne un avantage compétitif par rapports aux autres », poursuit-il.

Proposer une plus grande technicité permet aussi de conquérir les clients plus spécialisés, prêts à payer plus cher pour s’équiper. « Plus un produit est technique, moins il y a de concurrence. Les industriels accordent beaucoup moins d’intérêt au prix qu’à la durabilité du produit. La valeur du pneu est moindre par rapport au coût des marchandises transportées par leurs véhicules. Ce sont des clients plus sensibles au coût par kilomètre qu’au coût unitaire », précise Gaëtan Toulemonde.

Au-delà de la montée en gamme, le géant du pneumatique regarde aussi du côté des services. « Le marché des pneus se contracte d’année en année, l’avenir est ailleurs, en allant vers la mobilité de manière plus générale », assure Eric Espérance. « Mettre un pied dans les services de mobilité permet d’anticiper la maintenance, de pouvoir prévoir en amont l’usure du pneu, pour venir vers le client avant même qu’il n’y pense, pour lui proposer leurs produits et leurs réseaux, mais aussi anticiper les stocks et réagir rapidement à la demande », note le consultant.

Assurer le renouvellement

Ce qui est d’autant plus important lorsque l’on voit que le renouvellement des pneus représente aujourd’hui les trois quarts du marché. Même si le groupe équipe des véhicules neufs, rien ne dit en effet que les acheteurs remettront ses pneus lorsqu’il faudra les remplacer. Sa marque forte lui permet d’éponger les pertes de part de marché à ce moment-là, de même que la maîtrise d’une partie de la distribution via Euromaster, mais l’érosion reste considérable.

Le groupe, qui possède déjà la plateforme numérique d’aides à la mobilité Viamichelin, a mis la main le mois dernier sur le télématicien franco-britannique Masternaut, l’un des leaders européens avec 220 000 véhicules sous contrat.

Jérémy BRUNO