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Pourquoi Accor s'intéresse autant à Air France

La direction de la compagnie présente aujourd’hui ses travaux sur l’alliance que propose l’hôtelier. Accor ambitionne de récupérer jusqu’à 1 milliard d’euros en créant un programme de fidélité commun avec Air France.

C’est un changement de modèle qu’Accor propose à Air France. Début juin, son PDG Sébastien Bazin est sorti du bois pour proposer une alliance industrielle à la compagnie aérienne. Mais dont il n’a pas livré la substance. En réalité, Accor discute depuis quatre ans avec Air France d’un partage de leurs programmes de fidélisation. Mais cela n’a jamais abouti… L’actuelle direction par intérim a de nouveau planché sur cette proposition. Elle présentera ses travaux au conseil d’administration du groupe Air France KLM lors du séminaire stratégique qui se tient mardi et mercredi.

Il semble que ses conclusions butent sur des sujets "techniques" selon un proche de la compagnie. Le partage de la valeur entre Accor et Air France notamment. Accor proposerait une égalité parfaite: 50% chacun, qui ne conviendrait pas à Air France. "Le programme de fidélité Flying Blue est bien plus important que le leur", ajoute cette source. La direction semble encore traîner des pieds.

7 millions de clients

Concrètement, l’hôtelier a mis sur la table un projet consistant pour les deux groupes à mettre en commun toutes leurs données clients. La création, ensemble, de ce programme de fidélisation regrouperait près de 7 millions de clients en France. Un moyen de résister face à Google, Booking ou Expedia. Ensemble, le simple achat de mots clés sur ces sites Internet ferait économiser plusieurs dizaines de millions d’euros.

Mais surtout, cette offre sera basée sur une carte de paiement grâce à laquelle Accor espère réaliser des centaines de millions d’euros de revenus. Entre 400 millions et 1 milliard d’euros selon les scénarios. En multipliant les partenariats pour exploiter au maximum cette base de clients. Grâce à ce système, son concurrent américain Starwood tire 1 milliard de dollars de revenus dont les marges atteignent entre 25% et 30% !

Un grand partenaire par secteur

En s'appuyant d’abord sur les émetteurs de carte de crédit, tel Visa ou Mastercard, l’idée est ensuite d’ouvrir le programme de fidélité à des grandes enseignes. Choisir un grand acteur dans chaque secteur assure de pouvoir leur faire payer cher l’exclusivité de l’accès à cette précieuse base de clientèle. Par exemple, Orange pour les télécoms, BNP Paribas pour la banque, Carrefour pour la grande distribution, Total pour les stations-services... La liste peut s’allonger à l’infini. "La valeur de la « data » combinée d’Accor et d’Air France est très forte car leurs clients ont du pouvoir d’achat", explique un bon connaisseur du projet.

Pour ces partenaires extérieurs, intégrer ce programme de fidélisation c'est la garantie de retenir leurs clients. Par exemple, ceux d’Orange pourront ainsi dépenser leurs points dans toutes les enseignes du programme. Et seraient ainsi plus incités à ne pas partir à la concurrence. "Si ce client part chez SFR, il perdra tous ces points de fidélité, explique un bon connaisseur du projet. Il s’agit de vendre de la rétention de client à ces partenaires".

Il y a quinze ans, un système similaire avait existé avec la carte Smiles qui regroupaient 21 millions de clients. Mais les gestionnaires (SNCF, Caisses d’Epargne, Casino, Galeries Lafayette…) trop nombreux n’avaient pas réussi à s’entendre pour le développer. Cette fois, Accor et Air France seraient les deux seuls aux manettes, un gage de meilleur gestion. Encore faut-il que les deux partenaires s’entendent au départ.

Matthieu Pechberty