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Pourquoi Daniel Kretinsky investit dans le charbon en France

Daniel Kretinsky signe sa première acquisition en France

Daniel Kretinsky signe sa première acquisition en France - Tolga Akmen / AFP

L'homme d'affaire tchèque met la main sur deux centrales à charbon que le gouvernement veut fermer. Pour en obtenir un bon prix

Daniel Kretinsky poursuit son offensive en France. L'homme d'affaire tchèque s'est fait connaitre il y a deux mois pour avoir racheté les hebdomadaires Elle et Marianne ainsi que des parts minoritaires dans le journal Le Monde.

Mais celui qui a avant tout créé un empire personnel dans l’énergie déboule en France. Sa société, EPH, a annoncé discrètement, lundi 24 décembre, des négociations exclusives en vue de racheter les activités françaises de l'allemand Uniper. L’ancien mastodonte E.On sort ainsi de l’Hexagone en vendant notamment à Daniel Kretinsky deux centrales à charbon, à Saint-Avold (57) et à Gardanne (13), que le gouvernement s'est engagé à fermer d'ici la fin du mandat d'Emmanuel Macron. Décision confirmée le 31 octobre lors d’un déplacement de François de Rugy, le ministre de la transition écologique, sur le site de Saint Avold. Les deux sites ont toutefois des espoirs de reconversion, Gardanne a investi dans la biomasse depuis plusieurs années et Saint Avold espère une reconversion dans le gaz.

Daniel Kretinsky est devenu un spécialiste des rachats à bas prix des centrales à charbon en fin de vie. Il espère récupérer des indemnités pour compenser les fermetures anticipées des deux sites français. Une négociation difficile qu'il va mener avec le gouvernement. Mais sa nouvelle position de tycoon des médias lui facilitera l'accès aux plus hautes autorités de l'Etat. Daniel Kretinsky récupère aussi deux centrales à gaz rentables qu’il a déjà prévu de revendre à Total dans un an. Il conservera toutefois six parcs éoliens et deux centrales solaires. Des énergies renouvelables qui comptent dans la période de transition énergétique qui s’ouvre en France. Sa première offensive en France lui permet d’occuper une petite position entre les géants EDF, Engie et Total. Mais elle lui permet aussi de commencer à se faire une place durablement sur le marché français.

Négociations complexes pour l'Etat

Mais pour Bercy, ça n'est pas une bonne nouvelle. Daniel Kretinsky est aujourd'hui le spécialiste européen du charbon. Parfois pour l'exploiter, souvent pour tirer le meilleur prix possible de la fermeture des infrastructures. Il possède notamment quatre centrales à charbon et plusieurs mines en Allemagne, deux centrales en Slovaquie, une en Italie et une au Royaume uni qui vient de fermer. Selon les chiffres de l'ONG Beyond Coal, cités par le quotidien Le Monde, EPH est le deuxième plus gros producteur d'électricité à base de charbon en Europe, juste derrière l'allemand RWE

Les équipes d'EPH sont rodées aux négociations avec les industriels de l'énergie et avec les pouvoirs publics. Car fermer une centrale à charbon n'est jamais simple. En France, c'est la centrale de Cordemais, en Loire Atlantique, qui a sauvé une partie du réseau l'hiver dernier alors que le système affrontait avec difficulté une période froid extrême. EPH avait connu la même situation en Grande Bretagne en 2016, et touché d'importantes subventions pour continuer à faire tourner deux ans de plus une centrale dont la fermeture était programmée. Même scénario en Allemagne où l'électricien suédois Vattenfall avait accepté de laisser 1,5 milliard€ dans les caisses de l'entité charbon (mines et centrales) qu'il abandonnait en urgence sous pression de l'opinion publique suédoise. Chacun savait à ce moment là que l'Allemagne aurait encore besoin du charbon, et pendant de longues années, pour palier la fermeture des centrales nucléaires.

«Personne ne croit au charbon »

L'autre obstacle est souvent social. Le gouvernement français va devoir fermer des centrales à charbon dans des zones industrielles où elles restent parfois le seul employeur. On voit aujourd'hui avec Fessenheim combien les négociations sont difficiles et peuvent prendre du temps. Du temps pendant lesquelles les centrales vont continuer à tourner parce que le besoin d'énergie est là et qu'au-delà des émissions de CO2, elles sont largement amorties et donc ultra-rentables, sans qu'il soit nécessaire d'y faire le moindre investissement.

« Je considère comme absolument hypocrite de dire qu’il faut tout arrêter tout de suite. Nous reprenons le charbon et le lignite lorsque cela est nécessaire à l’économie d’un pays et nous en sommes fiers » déclarait-il récemment au quotidien Le Monde, dont il possède maintenant une part du capital, « mais il faut avoir un débat rationnel. Il n’y a personne qui pense, et surtout pas nous, que le charbon doit être utilisé pour l’éternité ». Reste maintenant à négocier le bon prix pour en sortir.