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Pourquoi Disney n’a pas fini de dépoussiérer ses classiques

La version 2016 du "Livre de la Jungle" a rapporté 300 millions de dollars au studio américain dès sa première semaine d'exploitation.

La version 2016 du "Livre de la Jungle" a rapporté 300 millions de dollars au studio américain dès sa première semaine d'exploitation. - The Walt Disney Company

"Le studio hollywoodien vient de sortir un remake du Livre de la Jungle, 49 ans après sa première version sur grand écran. Le maillon d’une stratégie marketing bien huilée qui génère des millions de recettes."

"C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes": depuis quelques années, les studios Disney multiplient les remakes de succès d’antan. Mickey, Cendrillon, Clochette… on prend les mêmes et on recommence ! Dernier exemple en date : le film "Le Livre de la Jungle", version en images de synthèse et 3D du recueil de nouvelles de Rudyard Kipling. La précédente adaptation sur grand écran datait de 1967.

Le film signe le deuxième meilleur démarrage de l’année au box-office français avec 277.612 spectateurs le 12 avril, jour de sa sortie dans l’Hexagone. 1,3 million de Français se sont pressés d’aller le voir dans les salles obscures lors de sa première semaine d’exploitation, en pleine période de vacances scolaires. Un succès français en ligne avec les recettes américaines - 104 millions de dollars le premier week-end -, et asiatiques (respectivement 50 millions en Chine et 20 millions en Inde). À l’échelle mondiale, ce film avait déjà rapporté 300 millions de dollars à Walt Disney Pictures après son premier week-end d'exploitation.

Circuit fermé

Décidément, l’attachement du public pour Mowgli, Baloo et Bagheera ne se dément pas. "Vous reprenez de vieux mythes, de vieilles histoires, de vieux archétypes, de vieux personnages et vous les refaites avec des technologies de pointe", expliquait d’ailleurs John Favreau, le réalisateur du "Livre de la Jungle" au moment de sa sortie. Une déclaration symptomatique d’une stratégie marketing bien rodée, et dans la lignée d’un sillon creusé depuis des décennies par le studio hollywoodien. Comme le montre ce croquis dessiné par Walt Disney lui-même en 1957, la stratégie marketing du studio s’appuie sur une reprise des créations en crossmédia, dans un circuit fermé où l’on maintien sans cesse l’attention du spectateur, qui est aussi… consommateur.

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Depuis les années 1950, le studio Disney recycle ses éléments de production cinéma vers les autres médias : livres, magazines, parcs, musique, etc. Depuis, les autres studios à succès font de même. "Dans un marché saturé, situer d’emblée un programme audiovisuel comme une marque est devenu une obligation pour lui garantir une visibilité rapide et une pérennité commerciale (…) L’objectif est de multiplier les points de contact avec la marque, de la nourrir et de générer un chiffre d’affaires supplémentaire", souligne l’enseignante Hélène Laurichesse, dans son ouvrage Quel marketing pour le cinéma ?.

Un nouveau "Dumbo" en 2018

En 1996, pour la première fois, Walt Disney Pictures pousse la logique plus loin en réadaptant au cinéma l’un de ses succès passés pour la première fois : "les 101 Dalmatiens", avec Glenn Close dans le rôle de Cruella d’Enfer. Quatorze ans plus tard, rebelote, c’est la sortie d’ "Alice au pays des merveilles" version Tim Burton. Depuis, on a vu la sortie de "Clochette et la fée pirate", du "Cendrillon" de Kenneth Branagh en 2015 et du "Livre de la Jungle" ce mois-ci. Et ce n’est pas terminé. Au mois de mai sortira une nouvelle nouvelle version d’ "Alice au pays des merveilles", sont également prévu des remakes de "La Belle et la Bête" en 2017, et de "Dumbo" en 2018 et de "Mary Poppins", sous la direction de Rob Marshall.

Ces histoires mythiques continuent de faire rêver le grand public. Leurs intrigues, bien que connues de presque tous, demeurent des machines à cash. "Les consommateurs achètent et font fructifier les entreprises qui ont su capter et exploiter leur récit fondateur et l’exploiter encore et encore (…) La marque déroule le fil rouge du processus transmédiatique. Le produit meurt, mais la marque demeure", expliquait il y a quelques années le sémiologue Georges Lewi. La marque reste connue. "C’est grâce à cela qu’elle pourra être relancée un jour", soulignait Hélène Laurichesse dans son livre paru en 2006.

Un remake de Dracula ?

Reste à voir si cette stratégie de relance des personnages mythiques traversera les générations. Lors de la sortie du "Livre de la Jungle", Disney n’a pas souhaité apporter de commentaire sur sa stratégie à long terme. Mais il "n’est pas irréaliste" que le groupe continue d’exploiter ce filon, d’après l’analyste de BoxOffice.com Shawn Robbins, interrogé par l’AFP.

En tous cas, la concurrence semble s’en inspirer. Le studio Warner Brothers songe à ré-exploiter la saga Harry Potter, et Universal à des remakes de Frankestein et de Dracula. Jusqu’à l’overdose ?

Adeline Raynal