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Pourquoi la direction de la SNCF a tout faux avec les cheminots, selon Loïk Le Floch-Prigent

L'ancien président de la SNCF met en avant sur BFM Business le manque d'explications de la direction envers les salariés du transporteur.

La direction de la SNCF a tout faux. C'est en substance l'avis de Loïk Le Floch-Prigent sur les grands dossiers qui agitent actuellement la société nationale des chemins de fer. En particulier sur la fin des régimes spéciaux de retraite, qui a donné lieu à une des plus longues grèves de l'histoire, et l'ouverture à la concurrence du rail en Europe.

Sur BFM Business, l'ancien patron de la SNCF de 1995 à 1996, assène: "C'est une mauvaise chose de ne pas avoir expliqué ce qu'on faisait. Vous ne pouvez pas changer un système en disant 'il est mauvais' sans faire quelque chose d'autre. Or, on a dit à ces gens (les cheminots, NDLR) on enlève le statut et puis un jour on va faire une convention qui va permettre de régler les problèmes des cheminots. La convention n'est pas venue".

Avant d'ajouter: "De la même façon, on a dit: 'on va faire la concurrence, ça va être génial, ça va diminuer le prix des billets pour les consommateurs'. Or, la façon dont la concurrence est conçue aujourd'hui va au-contraire renchérir le prix du billet. Donc les cheminots ne comprennent pas, ils n'ont pas compris vers quel système on va. Et tant qu'ils ne comprennent pas, ils ne travailleront pas correctement. Et là en plus, on est en train de mettre les grévistes et les non-grévistes les uns contre les autres. Or le train fonctionne avec des gens qui ont envie de le faire fonctionner. (...) Tout ça est de la politique de gribouille". 

Une "concurrence artificielle"

"Il faut leur expliquer ce qui a été fait. (...) La loi n'explique pas. Si jamais vous dites 'je fais une concurrence en faisant que les petites lignes sont faites par d'autres', ça c'est compréhensible. Si maintenant vous dites 'la concurrence, elle se fait sur les mêmes lignes et il y a plusieurs sociétés qui font la même chose sur ces lignes', on retombe sur un système que les camarades qui sont à l'électricité connaissent. C'est-à-dire qu'en fin de compte, c'est le producteur central qui devient la victime du système de concurrence, c'est-à-dire on fait une concurrence artificielle. Lorsqu'il y a un monopole structurel, faire une concurrence c'est très compliqué. Et ce monopole structurel, ils le vivent depuis des générations et on leur dit 'on va supprimer ce monopole structurel ce n'est pas bon'. Très bien, on le remplace par quoi ? Eh bien ils ne le savent pas et moi, ancien président de la SNCF, je ne sais pas par quoi on le remplace", poursuit Loïk Le Floch-Prigent.

Pour lui, "il faut répondre aux questions des cheminots et régler le problème de la compréhension". A défaut, il faudra encore se préparer à des grèves de plus en plus importantes...

Olivier Chicheportiche