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Pourquoi la filière du vin français doit se réinventer

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- - Jean-Pierre Muller - AFP

Baisse de la consommation, forte concurrence étrangère, impact du changement climatique… Alors que le salon Vinexpo bat son plein à Bordeaux, le vin français amorce un virage.

Vinexpo donne le coup d’envoi de sa vingtième édition. Ce rendez-vous mondial des professionnels du vin, le plus grand salon vinicole de France, réunit, depuis lundi à Bordeaux plus de 1.600 exposants d’une trentaine de pays. Entre dégustations de grands crus et signatures de contrats d'export, l’ambiance pourrait être morose : la consommation de vin en France est en chute libre.

Selon les statistiques de l'Organisation internationale du vin (OIV), la consommation des Français plonge en effet de plus de 20% en moins de vingt ans. En moyenne, chaque Français d'âge adulte a bu 51,2 litres de vin en 2016, avec ou sans bulles, contre 71,5 litres en 2000. La consommation de l’Hexagone, en termes de volume, s’est réduite à 27 millions d'hectolitres de vin en 2017 contre 34,5 millions au tournant du siècle.

Pas de quoi inquiéter les professionnels du secteur. « Les habitudes de consommation sont en train de changer. On boit mieux, et moins », assure Christophe Navarre, président de Vinexpo, invité de l’émission L’Heure H sur BFM Business. « L’industrie des vins pétillants représentera 207 milliards de dollars en 2022, en progression de 2,5%. Le segment des vins premium entre 10 et 20 dollars progresse, lui, de 15% », donne-t-il en exemple.

Cette année trois nouveaux pays – la Suède, la Turquie et le Vietnam – font leur entrée à Vinexpo. Les viticulteurs français doivent en effet faire face à des rivaux de plus en plus nombreux sur la scène internationale. La Californie, l’Australie ou encore l’Amérique du Sud ont trouvé leur place sur le marché mondial, et la Chine guette en arrière-plan. « La concurrence est une bonne chose », estime Christophe Navarre, pour qui « les vins français ont toujours le même succès ». « Le savoir-faire œnologique français est reconnu. Tous ces nouveaux vins ont souvent été élaborés par des œnologues français. On a un bel avenir devant nous », assure-il.

Vins d’entrée de gamme

« La Chine en volume dépassera la France à un moment donné », souligne néanmoins le président du salon bordelais. Les viticulteurs devront, selon lui, augmenter leur production pour pouvoir faire face à la concurrence. « En matière d’entrée de gamme, nous n’avons pas une offre comparable aux Chiliens ou aux Australiens. Il faut y travailler, probablement planter plus pour pouvoir offrir ce type de produits, et surtout faire en sorte que nous ne payons pas les droits d’entrée dans des pays comme la Chine, comme les Australiens et les Chiliens, parce que nous, nous payons, et qu’eux ne payent pas », note-t-il.

Cela pourrait pourtant remettre en cause la politique de montée en gamme de la filière française. Un grand nombre de vignes ont été arrachées dans cet objectif. « Je crois qu’à partir du moment où la tendance mondiale est de boire mieux mais moins, [en misant sur la qualité et l’image] vous créez plus de valeur, ce qui permet de rentabiliser les exploitations. C’est le travail individuel du vigneron et la notoriété du vin qui feront la différence », observe Christophe Navarre.

Le changement climatique sera l’autre grand défi de la viticulture. Les dérèglements météorologiques ne seront pas sans conséquences pour les vignobles français – et dans le monde entier. « Si vous prenez 1°C ou 2°C en 2100 ou en 2050, cela aura une très grande influence non seulement sur la culture de la vigne mais également sur l’évolution des goûts, des teneurs en alcool, de l’acidité du vin », avance-t-il.

La montée en force du bio

Face aux préoccupations environnementales, le vio bio a le vent en poupe. Les ventes de vins AOP bio ont fait un bond de 15% en 2018 pour les vins de Bordeaux. D’autant qu’Emmanuel Macron veut faire de la France le fer de lance de la transition écologique : le vignoble tricolore peut devenir « le premier vignoble sans glyphosate du monde », assurait le président de la République en ouverture de salon de l'agriculture à Paris.

Verra-t-on bientôt une filière viticole 100% bio ? « Il faut qu’on y arrive. Il faut y travailler, mais il faut y aller étape par étape », souligne le président de Vinexpo, qui accueillera 150 exposants bio et biodynamie. « Il y a une pression extrêmement importante du consommateur, mais en même temps il faut faire face à des difficultés nouvelles. Le réchauffement climatique ce n’est pas uniquement l’impact de la température sur le raisin, ce sont aussi des maladies du bois, des maladies de la vigne, des insectes. Il faut traiter cela », tempère-t-il.

« C’est le travail des exploitations et des entreprises de se définir des échéances plus que la réglementation. Je crois plus à l’initiative personnelle parce qu’il y aura la pression du consommateur », conclut Christophe Navarre. La maison de cognac Hennessy a d’ores et déjà annoncé son objectif de bannir les herbicides des vignes de ses 1.600 viticulteurs partenaires d'ici 2028.

Jérémy BRUNO