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Pourquoi la France emprunte l'inquiétant chemin de la déconsommation

Viande, produits laitiers ou d'hygiène, les Français ont moins consommé en 2016 qu'un an plus tôt. Une première depuis 2008!

Viande, produits laitiers ou d'hygiène, les Français ont moins consommé en 2016 qu'un an plus tôt. Une première depuis 2008! - Alamy stock - BFM Business

En 2016, les Français ont acheté moins de surgelés, de glaces, de produits d'hygiène ou encore de sodas et de jus de fruit. Une première depuis 2008 qui ne s'explique pas que par le pouvoir d'achat.

La consommation est-elle en train de lâcher à son tour? Alors que jusqu'à présent les Français continuaient à consommer malgré la crise, il semblerait que 2016 ait marqué une rupture. La consommation aurait baissé en volume l'année dernière. Autrement dit, les Français auraient globalement acheté moins de produits l'année dernière qu'en 2015. Selon les données de Kantar Worldpanel, la baisse était de l'ordre de 0,2% à fin novembre 2016. 

Un phénomène rarissime. Il faut remonter à 2008, explique-t-on chez Kantar, pour trouver trace d'un recul de la consommation en volume en France. Cette année-là elle avait été plus importante (-1,2%) mais "c'était exceptionnel, explique Gaëlle Le Floch, directrice stratégie chez Kantar Worldpanel. C'était lié au contexte de la crise des subprimes et à de très fortes inflations dues à la hausse de certaines matières premières alimentaires." 

Les Français zappent le brossage de dents...

Mais rien de tel en 2016. La conjoncture était meilleure qu'en 2008 et l'inflation a même été négative sur les produits de grande consommation, de l'ordre de -1,1% selon IRI dans les hypers et supermarchés. Evidemment pas tous les produits ont été concernés par cette tendance à la déconsommation. Ainsi selon Les Echos, les ventes de bière (+4,2%) et de produits frais non laitiers comme les fruits et légumes (+1,3%) ont bien tiré leur épingle du jeu.

En revanche ils sont nombreux à avoir été boudés par les Français: ce sont ainsi les surgelés et les glaces qui ont le plus reculé (-3,2%) selon les données IRI recueillies par Les Echos. Cela peut s'expliquer par un effet météo négatif. "L'été a été trop tardif ce qui n'est pas bon pour les ventes de produits comme les glaces ou les boissons", explique Gaelle Le Floch. D'ailleurs les jus de fruits, eaux et sodas accusent eux aussi une baisse de 0,3% en volume. 

Plus étonnant en revanche, ce sont les produits d'entretien et d'hygiène qui accusent respectivement un recul de 0,1 et 0,8% en 2016. Les Français se sont-ils moins lavés l'année dernière? Il semblerait que... oui! "C'est vrai qu'on observe dans nos enquêtes que certains gestes d'hygiène ont tendance à être zappés, relève Galle Le Floch. Il n'y aura pas de brossage de dent systématique matin et soir, idem pour le démaquillage qui a tendance à être zappé. Et il y a la mode du naturel avec des femmes qui ont les cheveux plus longs et les lavent moins souvent ou encore la tendance hipster chez les millenials avec des garçons qui se rasent moins..." Bref mises bout à bout ces nouvelles habitudes conduisent à une baisse significative de l'achat de produits d'hygiène.

Le food bashing du lait et de la viande rouge

Difficile d'imaginer des tendances similaires dans l'alimentaire. Et pourtant certains rayons importants comme l'épicerie salée (-0,3%) ou la crèmerie (-06%) ont eux aussi décroché l'an passé. Les Français zappent-ils certains repas comme ils le font du brossage de dents? L'explication pour l'alimentaire est différente. Selon Gaelle Le Floch, l'électrochoc de 2008 continue de produire ses effets aujourd'hui. "C'est à partir de là que les gens se sont mis à rechercher des produits de qualité pour leur alimentation. Un phénomène qui se vérifie encore avec les bio, le made in France, les circuits courts... Les consommateurs achètent moins mais achètent mieux."D'ailleurs un des rares rayons qui s'en est le mieux sorti en 2016 est le frais non laitier (+1,3%) qui comprend notamment les fruits et légumes.

Un dernier élément qui joue en défaveur de l'alimentaire est la mauvaise image de la viande auprès des consommateurs. "Certains marchés subissent un food bashing perpétuel comme le lait ou la viande rouge, explique Gaelle Le Floch. Les consommateurs réduisent ainsi leur quantité de protéines animales et les marchés dits carnés reculent." Selon Kantar Worldpanel, les fléxitariens (des végétariens qui s'autorisent à manger de la viande) représenteraient tout de même déjà près de 25% de la population. 

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco