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Pourquoi le fonds activiste Amber ne lâchera pas Lagardère

Le groupe est sous pression d’un fonds activiste qui souhaite siéger à son conseil de surveillance. Il le pousse depuis un an à un inévitable démantèlement.

Ça secoue chez Lagardère. Le groupe réunit ce jeudi l’assemblée générale de ses actionnaires. Et pour la deuxième année de suite, il est sous la pression discrète mais ferme du fonds activiste Amber Capital.

Il y a deux ans, il a pris près de 4% du capital après le départ abrupt de l’ancien directeur financier, Dominique D’Hinnin, gardien du temple à l’époque. Le patron d’Amber, Joseph Oughourlian, sera à l’assemblée générale pour marquer sa présence mais ne devrait pas intervenir.

L’an passé, il avait demandé à Lagardère de vendre ses journaux, radios et télévisions, sa branche média n’étant pas assez rentable pour lui. Après avoir refusé, le groupe a enclenché il y a deux semaines une cession de ses radios en Europe de l’Est. Juste avant l’assemblée générale… Et le dossier de vente des sociétés de production audiovisuelles et des radios et télés françaises (Gulli, RFM, Virgin…) circulent. A tel point que le fonds Mediawan, dirigé par Pierre-Antoine Capton, Matthieu Pigasse et Xavier Niel, s’est déjà positionné pour tout racheter… A la veille de l’assemblée générale, le message est clair : Lagardère accélère le démantèlement de sa branche média, enclenché depuis 2011.

Amber s'attaque à la gouvernance

Sauf que cette année, Amber Capital s’attaque au saint des saints: la gouvernance de Lagardère. Le fonds propose la nomination de deux nouveaux administrateurs pour défendre sa stratégie de recentrage sur les métiers de l’édition (Hachette) et de la distribution (Travel Retail). Parmi ses deux choix, Helen Lee Bouygues, associée du cabinet de conseil McKinsey, sème le trouble. Lagardère dénonce un conflit d’intérêts avec "les familles Bouygues et Bolloré, qui contrôlent toutes deux d’importantes activités de médias". Une critique d’autant plus étonnante que son plus ancien administrateur, Georges Chodron de Courcel, en poste depuis 18 ans, a aussi été au conseil de Bouygues pendant 14 ans! Un conflit d’intérêt qui n’a jamais choqué le groupe dirigé par Arnaud Lagardère….

Malgré son patronyme, Helen Lee Bouygues n’est pas proche de la famille-actionnaire du groupe de BTP et de médias. Pour cause, son beau-père Nicolas Bouygues, est le frère de Martin Bouygues mais les deux hommes se fréquentent peu depuis trente ans… D’ailleurs, il n’est même pas actionnaire de la société familiale détenue par Martin et son frère Olivier. En revanche, elle est bien la belle-sœur de Yannick Bolloré, récemment promu président du conseil de surveillance de Vivendi.

Ces deux administrateurs ont peu de chance d’être nommés. Mais Amber a mis le doigt sur une des faiblesses du groupe : la gouvernance. Les administrateurs sont tous là depuis longtemps. 40% sont en poste depuis plus de 10 ans et 20% depuis plus de douze ans. Une limite pour être considéré comme "indépendant" selon le code des entreprises Afep-Medef. D’ici deux ans, sept autres membres devront être renouvelés ou remplacés. L’opportunité se représentera. "Lagardère est imprenable grâce à sa commandite mais Amber a compris que le conseil était à la main d’Arnaud Lagardère et le seul organe de décision à pouvoir le pousser à infléchir sa stratégie", explique un proche du groupe.

Dernière étape: l'explosion du groupe

Amber pousse à la vente de toute la branche média qui pourrait rapporter près d’un milliard d’euros ainsi qu’à la cession de la branche sports (sponsoring et droits), déficitaire depuis dix ans… Et ensuite ? Recentré sur seulement deux métiers, l’édition et le "travel retail", sans synergies ni liens commerciaux, Lagardère ne pourra plus nier son profil de holding sans rôle. Le "travel retail", qui opère dans les aéroports, n’a pas la taille critique au niveau et à surtout besoin de capitaux pour investir. Or, le conglomérat n’en génère déjà pas assez pour verser les 180 millions d’euros de dividendes annuels, dont 12 millions pour son patron Arnaud Lagardère.

"A terme, cette branche aura besoin de se rapprocher d’un autre acteur pour grandir, explique un bon connaisseur du groupe. Seule l’édition peut continuer seule". C’est bien cette dernière étape, l’explosion de Lagardère, que vise Amber Capital. "Ils vont continuer à pousser car ils savent que le groupe n’a pas de stratégie globale, ajoute cette source. Ils ne les lâcheront pas". Entrés au capital quand l’action valait environ 20 euros, elle vaut aujourd’hui 23 euros et les analystes estiment que le démantèlement du groupe pourrait la propulser à 30 euros…

Matthieu Pechberty