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Pourquoi le marché du rétrogaming intéresse maintenant les fabricants de jeux vidéo

Des cartouches Game Boy à des prix élevés

Des cartouches Game Boy à des prix élevés - Mike Mozart - Wikimedia Commons - CC

Depuis la fin des années 2000, les prix des vieux jeux vidéo se sont envolés, à cause de l'intérêt croissant de plus jeunes joueurs. Le marché étant désormais arrivé à maturité, Nintendo ou encore Sony proposent leur propre catalogue.

Vous avez peut-être dans votre armoire un vieux jeu vidéo en parfait état dans une boîte en carton quasi-intacte, avec sa notice. Vous songez à vous en débarrasser lors d'une brocante? Erreur. Un simple tour chez Amazon vous permet de voir à quel point cette idée est mauvaise. Un jeu Super Mario World (1990) sur le site de e-commerce est par exemple vendu à 55 euros alors que le vendeur ne propose ni le boîtier ni la notice (deux éléments clés pour les collectionneurs).

De fait, le marché du rétrogaming, c'est-à-dire la vente de vieux jeux vidéo, a littéralement explosé ces dernières années. "Un Zelda avec boîte et notice sur NES se vendait 50 euros à la fin des années 2000, aujourd'hui on le trouve à 150 euros", explique Valentin Simony, fondateur du site FranceRetrogaming.fr et auteur du blog Link to the Past.

De nombreuses raisons expliquent cette flambée. L'une d'entre elles est que ce marché s'est considérablement élargi.

"Cette envolée a surtout eu lieu à partir des années 2009-2010. Avant, le marché concernait surtout des jeux vidéo importés du Japon, et on parlait davantage de "oldies" que de rétrogaming. Mais à partir de 2009-2010 une clientèle plus jeune, âgée de 18-25 ans, et nostalgique des vieux jeux distribués en France et en Europe, est arrivée. Au point que cette génération constitue une grande partie de nos clients", explique Régis Miserolle, gérant de la boutique Retrogameshop à Paris, créée en 2005.

Les raisons d'une flambée

Cette jeune génération a aussi pu être sensibilisée par les vidéos d'internautes montrant leurs collections de vieux jeux ou de Youtubeurs qui évoquent ces titres dans leurs films (comme le Joueur du Grenier, Benzaie ou le Angry Video Game Nerd). "Une mode s'est créée sur internet, ce qui a renforcé l'aspect nostalgique", abonde Régis Miserolle.

La demande étant plus forte, les prix ont logiquement augmenté puisque par définition l'offre évolue très peu, les éditeurs ne remettant pas en usine des jeux créés il y a plus de 20 ans. Et qu'en plus, les jeux existants ne sont parfois plus en assez bon état pour être vendus.

Valentin Simony explique par ailleurs qu'une confusion règne entre les deux marchés du rétrogaming. L'un concerne des collectionneurs qui recherchent des jeux complets avec boîte et cartouche. L'autre s'adresse davantage aux joueurs qui veulent simplement jouer à de vieux titres et peuvent se contenter de la cartouche seule. "Des particuliers ont pu voir qu'un jeu comme Mario Kart en très bon état avec notice et boîte valait 500 euros et se sont dits que la cartouche seule valait 500 euros, ce qui a accentué la hausse des prix", explique-t-il. Autre catalyseur: le principe des sites où ces jeux s'échangent comme eBay, qui fonctionnent sur un système d'enchères. "À chaque fois on positionne son prix en fonction du prix le plus haut, cela a largement contribué à la hausse des prix", regrette Valentin Simony. Au point d'agacer les collectionneurs car du coup "ce marché devient parfois réservé à une élite", poursuit-il.

L'arrivée des éditeurs

Cette hausse de la demande a fini par attirer l'œil des fabricants. Sony a ainsi développé son offre de vieux jeux sur son Playstation Store qui permet de télécharger ces titres sur une PS4, par exemple. Sega, qui ne fabrique plus de consoles, a vendu sa licence à des éditeurs qui sortent désormais régulièrement des Mega Drive avec un catalogue de jeux dématérialisés. Mais l'exemple le plus frappant reste Nintendo qui a sorti fin 2016 la fameuse NES mini, une mini-console pourvue d'une vingtaine de jeux dématérialisés. Le groupe nippon a ensuite transformé l'essai en sortant une Super NES Mini en août dernier.

"Ils ont attendu que le marché se développe pour se lancer. Mais ils ont peut-être attendu trop longtemps car le marché aujourd'hui est mature voire en déclin", considère Régis Miserolle. Le gérant de boutique considère qu'il faudra encore attendre deux voire trois années pour voir si les offres des fabricants impactent sensiblement le marché. Mais il observe néanmoins que "la demande est en train de se tasser sur certaines consoles comme la NES". "Peut-être la sortie de la mini-NES a pu jouer", juge-t-il, précisant bien que "ce n'est pas tout à fait la même chose: il n'y a pas avec cette console le culte de l'objet qui importe aux collectionneurs. Mais cette console a le mérite de permettre aux joueurs de jouer à des jeux dont les cartouches sont devenues onéreuses".

La force de Nintendo

Reste que le succès, pour Nintendo tout du moins, est réel. Ses deux mini-consoles se sont vendues comme des petits pains, se retrouvant très vite en rupture de stocks.

"Quand vous interrogez Nintendo sur le passé, ils ne vous répondent pas et expliquent être focalisés sur l'avenir. Le rétrogaming pour eux n'était donc pas important. Mais il se sont rendus compte l'année dernière qu'ils allaient avoir un Noël plutôt tranquille sans nouvelle console, la WiI U ne se vendant pas très bien, et la Switch devant sortir plus tard. Ils ont alors cherché une machine rapide à développer et dont ils étaient sûrs d'en écouler beaucoup pour sauver leur Noël. La mini NES est arrivée et leur a permis de gagner beaucoup d'argent, probablement plus même que ce qu'ils attendaient", décrypte Raphaël Gorges, auteur de L'histoire de Nintendo (éditions Omake Books).

Des succès que ce spécialiste de Nintendo explique "parce que la NES, la Super NES et la Megadrive étaient vraiment les consoles qui ont bercé l'enfance des joueurs des années 80-90, et bénéficient ainsi pleinement de l'effet nostalgie. Le timing était donc très favorable".

D'ores et déjà, des rumeurs assurent que Nintendo poursuivrait encore ses efforts en sortant une Nintendo 64 Mini, console qui avait accueilli Zelda Ocarina of Time, souvent considéré comme le meilleur jeu de tous les temps.