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Pourquoi le succès de l'industrie automobile allemande ravit les éleveurs de moutons uruguayens  

L'Uruguay ne compte que 3,5 millions d'habitants mais presque le double de moutons.

L'Uruguay ne compte que 3,5 millions d'habitants mais presque le double de moutons. - Pablo Porciuncula- AFP

Le pays sud-américain est le troisième exportateur mondial de laine lavée et peignée. Sa qualité et le faible coût du fret maritime lui permettent de trouver des clients à l'autre bout du monde, à commencer par BMW et Mercedes-Benz.

Niché entre le Brésil et l'Argentine, l'Uruguay ne compte que 3,5 millions d'habitants mais presque le double de moutons (6,6 millions). C'est l'un des premiers exportateurs mondiaux de laine. Le pays n' a pas d'autres choix que de jouer la carte de la mondialisation: seulement 1% de sa production annuelle de près de 30 millions de kilos est absorbé par son marché national.

Les coûts bas du fret maritime ont aidé: "Cela nous coûte plus cher de faire venir de la laine de Salto, dans le nord de l'Uruguay, que de l'envoyer en Chine", raconte Facundo Ruvira, directeur commercial de Tops Fray Marcos, plus importante usine de lavage et de peignage de la laine du pays, une activité abandonnée depuis des décennies en Europe occidentale.

L'Uruguay est l'un des derniers au monde à exporter une grande partie de sa laine sous forme déjà lavée et peignée, contrairement à l'Australie et la Nouvelle-Zélande qui l'expédient dans sa version la plus brute. Sur ce segment, ce petit pays réussit à se classer troisième exportateur mondial avec une part de marché de 12%, derrière la Chine et la République tchèque.

Une matière idéale pour l'intérieur des voitures et des avions

Si ses laines les plus fines, comme le Mérinos, alimentent l'industrie de la mode de luxe, celles de taille plus épaisse, issue de la race Corriedale (la plus présente en Uruguay), ont trouvé un créneau porteur: les revêtements des voitures haut de gamme allemandes et des avions.

"Le premier client que nous avons, sur ce marché, c'est (le groupe autrichien) Schoeller, depuis 20 ou 30 ans, qui fournit traditionnellement l'industrie automobile et est très exigeant en qualité, car les contrôles sur les voitures haut de gamme sont très stricts", raconte Facundo Ruvira.

Dans son usine, il montre comment la laine est triée entre poils longs et courts, lavée dans différents bacs d'eau froide puis chaude, d'abord avec, puis sans savon, avant d'être finement peignée et empaquetée.

Le processus apporte de la valeur ajoutée, mais aussi de l'emploi sur place: 150 personnes travaillent dans l'usine Tops Fray Marcos à Libertad, à l'ouest de Montevideo, la capitale. Le voyage prend ensuite 25 jours en bateau vers l'Allemagne, où la laine est transformée en tapis et textiles qui équiperont notamment des voitures BMW et Mercedes-Benz, détaille Facundo Ruvira.

Une fibre douce et élastique

Le patron de Schoeller, Kurt Haselwander, vante "la subtilité" de la laine uruguayenne, dont il achète 800 tonnes par an, ainsi que "ses propriétés intéressantes comme l'élasticité et la douceur". Il souligne aussi un facteur qui fait la différence par rapport aux Australiens et néo-zélandais: "le meilleur traitement des moutons".

Contrairement à ses concurrents, l'Uruguay n'a pas recours au "mulesing", technique consistant à couper de la peau autour de la queue des moutons pour éviter les attaques de mouches.

Schoeller fabrique ensuite des fils de laine "utilisés pour les pulls, les sous-vêtements, les gilets, les chaussettes" ainsi que pour "les sièges des voitures premium et les sièges de la classe affaire des avions", cette laine résistant bien aux frottements.

Dans ces véhicules, "on utilise de la laine car elle ne brûle pas, contrairement au synthétique", précise Carlos Piovani, responsable de la tonte au Secrétariat uruguayen de la laine (Sul). Le synthétique, dérivé du pétrole, a fortement concurrencé la laine, tant au niveau mondial qu'en Uruguay: "Il y a 30 ans, nous avions 20 millions de moutons", raconte Carlos Piovani.

Mais l'Uruguay mise sur la récente remontée des cours de la laine et se félicite d'avoir gagné en qualité, donc en valeur de production. Comme le souligne Carlos Piovani, le pays "continue d'exporter pour 250 à 300 millions de dollars (par an), avec beaucoup moins de laine". Le même montant qu'il y a 30 ans.

C.C. avec AFP