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Pourquoi le taux de marge des entreprises françaises risque de baisser en 2020

Le taux de marge des entreprises française grimpe à nouveau au deuxième trimestre.

Le taux de marge des entreprises française grimpe à nouveau au deuxième trimestre. - Bertrand Guay - AFP

Le taux de marge des entreprises française est au plus haut depuis plus de 10 ans. Mais les bons chiffres du début de l'année sont en partie dopés par la transformation du CICE en baisses pérennes de charges.

La croissance française plafonne mais les entreprises tricolores, elles, semblent en grande forme. Dans le sillage des trimestres précédents, le taux de marge des entreprises grimpe une nouvelle fois au deuxième trimestre. Il atteint 33,1% sur la période – la cinquième hausse consécutive. C'est le niveau le plus haut observé depuis plus de 10 ans, lorsque le taux de marge représentait 33% de la valeur ajoutée sur l'année 2008 selon l'Insee. Une bonne nouvelle pour les entreprises françaises? Il ne faut pas se réjouir trop vite: cette belle performance, en tout cas à un tel niveau, risque d'être provisoire.

Car l'Etat a offert un "double cadeau" aux entreprises françaises au début de l'année: non seulement elles ont bénéficié du dernier versement du crédit d'impôt du CICE au titre de l'année 2018, soit 20 milliard d'euros, mais aussi de sa transformation en baisse de charges pérennes, soit, à nouveau, 20 milliards d'euros. Une année exceptionnelle qui annonce un "contrecoup" en 2020, où le CICE aura disparu, observe Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE, qui note tout de même "une hausse, mais moindre", hors effet CICE.

Le taux de marge des entreprises françaises ne s'élevait en effet qu'à 31% un an en arrière, et n'atteignait qu'un peu plus de 30% en 2014. Pour les bons chiffres de l'année en cours, "il faut aussi souligner les effets du prix du pétrole", poursuit l'économiste de l'OFCE. "Lorsque les cours du pétrole baissent, comme actuellement, cela permet aux entreprises de restaurer leurs marges. Il ne faut pas non plus oublier les variations de l'écart entre la productivité et les salaires. Il y a eu des récents gains de productivité qui n'ont pas été directement répercutés sur les salaires", note-il.

Le taux de marge des entreprises "est relativement stable en France. Il oscillait autour de 30% ou 32% au milieu des années 1980, et n'a jamais dépassé 34%. Avec 33,1%, nous sommes dans un point haut ce trimestre: la tendance est incontestablement haussière, mais on reste toujours dans la même fourchette. Lorsque l'effet temporaire de la bascule du CICE sera passé, on devrait probablement retomber à un peu moins de 32%", ajoute Éric Heyer.

Les entreprises allemandes plus fortes?

Reste qu'en Europe, la France semble à la traîne. De l'autre côté du Rhin, les marges des entreprises allemandes s'approchent des 41%, et c'est encore plus en Italie (41,7%) ou en Espagne (43%), assurait en juin l'assureur crédit Euler Hermes, qui pointait du doigt une fiscalité française bien plus sévère que celle de nos voisins. Si le poids de la fiscalité n'est pas sans conséquence, l'explication pourrait être bien plus simple: c'est avant tout une question de définition. D'un pays à l'autre, ce n'est pas forcément le même panel d'entreprises qui entre en jeu pour calculer le taux de marge national.

En France, le champ des "sociétés non financières" sur lequel s'appuie l'Insee ne compte pas toutes les entreprises individuelles, au contraire de l'Allemagne ou de l'Italie, qui intègrent ces dernières dans leurs calculs. Une divergence méthodologique parmi d'autres qui reviendrait, en mettant sur le même plan la France et d'autres pays européens, à comparer des pommes et des poires. "Une grande partie de l'écart entre la France et l'Allemagne repose sur la prise en compte, ou non, des entreprises individuelles. Comparer les variations oui, le niveau non", assure Éric Heyer.

En regardant le chiffre du taux de marge de l'ensemble des "entreprises non financières" donné par l'Insee – ces dernières regroupent les sociétés non financières et les entreprises individuelles – la France affiche un bien meilleur score. Au deuxième trimestre de cette année, leur taux de marge monte à 38,2%, plus de cinq points de différence, et beaucoup plus proche de l'Allemagne – et ce n'est qu'une seule des multiples divergences méthodologiques.

Jérémy Bruno