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Pourquoi les discussions traînent entre Areva et la Chine

Le directeur général d'Areva, Philippe Knoche (à gauche) et le président Philippe Varin, ont deux semaines pour boucler les négociations avec le chinois CNNC.

Le directeur général d'Areva, Philippe Knoche (à gauche) et le président Philippe Varin, ont deux semaines pour boucler les négociations avec le chinois CNNC. - ERIC PIERMONT / AFP

Le chinois CNNC est prêt à injecter 500 millions dans le spécialiste du nucléaire. Mais Bercy ne veut pas lui donner un siège au conseil d’administration. Il reste deux semaines pour trouver un compromis.

C’est la dernière ligne droite. Il reste deux semaines à Areva pour boucler son augmentation de capital de 5 milliards d’euros, avant l’assemblée générale du 3 février. Deux groupes japonais, Mitsubishi et JNFL, injecteront à deux 500 millions d’euros et prendront 10% du capital du groupe français. L’État versera le solde. Mais il reste une lourde négociation à régler: faire entrer le chinois CNNC. Cela fait un an et demi que le président d’Areva, Philippe Varin, souhaite que CNNC -l’homologue chinois d’Areva- participe à l’augmentation de capital. Mais les discussions traînent. Et s’enlisent.

"Les discussions ne sont pas rompues, promet un proche de la direction d’Areva. Mais elles n’avancent pas". "C’est le mutisme" ajoute une autre source. Depuis deux mois, les négociations butent sur deux points: la rentabilité du futur groupe et la gouvernance. CNNC souhaite disposer d’un représentant au conseil d’administration du géant de l’atome, ce que refuse Bercy. "Il n’est pas question qu’ils accèdent aux informations sensibles de l’industrie nucléaire, assurait il y a quelques semaines un cadre du ministère de l’Économie. Les conditions seront les mêmes que pour les Japonais". Le gouvernement français a proposé une solution intermédiaire, consistant à ce que CNNC propose un administrateur indépendant… "Ils veulent un de leurs représentants au conseil mais Bercy ne veut pas de Chinois" résume un proche du dossier.

La Hague chinoise

Les négociations achoppent aussi sur la rentabilité du futur Areva qui ne semble pas satisfaire la Chine. Une position d’autant plus difficile à tenir que les Japonais ont, eux, signé rapidement et accepté toutes les demandes de l’État actionnaire. Philippe Varin et le gouvernement français souhaitaient l’entrée des groupes japonais comme contrepoids pour éviter de se retrouver seuls face à CNNC. Cette stratégie montre ses limites. "C’est une maladresse d’avoir voulu faire coexister Chinois et Japonais ensemble, compte tenu de leurs relations diplomatiques complexes, tranche un proche des négociations. Les Chinois ont l’impression qu’on les a pris pour des guignols". À cela s’ajoute un changement de patron du groupe CNNC qui n’a pas facilité les échanges avec la France.

Les Français rétropédalent pour rattraper le coup. Un émissaire de Bercy est retourné à Pékin la semaine passée pour relancer les discussions. Il est inimaginable de tirer un trait sur 30 ans de relation franco-chinoise dans le nucléaire. En 1984, la Chine avait demandé l'aide de la France pour construire sa centrale de Daya Bay. Aujourd’hui, elle peut sauver Areva. "On a sous-estimé les Chinois. Avant ils avaient besoin de nous, maintenant c’est nous qui avons besoin d’eux, tranche ce proche des négociations. Je n’imagine pas qu’ils n’entrent pas chez Areva mais il faut leur donner des perspectives". C'est là que peut être trouvé un compromis. Les Français sont inflexibles sur la gouvernance, ils pourraient donner des gages sur des contrats commerciaux. La grande usine de retraitement d’uranium, "La Hague chinoise" est le grand projet que les Chinois souhaitent développer chez eux. Et Areva est la seule entreprise au monde à pouvoir les aider.

Matthieu Pechberty