BFM Business
Transports

Pourquoi Volkswagen met un sérieux coup de frein sur le sport auto

Volkswagen dominait le championnat du monde des rallyes depuis 4 ans

Volkswagen dominait le championnat du monde des rallyes depuis 4 ans - Janke Sakrzynski

Après avoir annoncé le retrait d'Audi de l'endurance, le groupe allemand a confirmé ce mercredi 2 novembre qu'il quitterait le championnat du monde des rallyes à la fin de cette saison. Des décisions qui sont évidemment liées au dieselgate, mais aussi à une volonté de recentrer ses activités et son image sur l'électrique.

Sébastien Ogier triomphant à bord de sa Polo R WRC, Audi qui remporte les 24 heures du Mans… Ces images appartiendront bientôt au passé. Coup sur coup, Volkswagen a pris deux décisions qui mettent un sérieux coup de frein à sa participation dans le sport mécanique.

La semaine dernière, le groupe de Wolfsburg choisissait ainsi de retirer sa marque Audi du championnat du monde d'endurance, disant de facto "adieu" aux mythiques 24 heures du Mans, une course que la marque aux 4 anneaux avait remportée 13 fois. À la place, Audi va investir la Formule E, la petite sœur de la F1 consacrée aux véhicules électriques, en renforçant son partenariat avec l'écurie Abt Schaeffler.

Ce mercredi 2 novembre, Volkswagen a cette fois confirmé qu'il mettrait un terme à sa participation au championnat du monde des rallyes, laissant ainsi le quadruple champion du monde Sébastien Ogier sans volant.

Ces décisions peuvent surprendre. D'une part parce que Volkswagen connaissait un certain succès sur ces épreuves. D'autre part parce que les constructeurs quittent généralement une compétition automobile lorsque la conjoncture se dégrade fortement. C'est ainsi qu'en 2008 Honda invoquait "la dégradation rapide de l'environnement difficile dans le secteur de l'industrie automobile, due aux subprimes américaines", pour justifier son retrait de la F1. Subaru et Suzuki avaient fait de même, toujours en 2008, avec le rallye.

Dieselgate et seconde virginité

Pourtant, la conjoncture mondiale est bien meilleure. Mais, pour Volkswagen, une autre variable rentre évidemment en compte: "le dieselgate", c'est-à-dire le scandale des moteurs diesel truqués, révélé en septembre 2015. Une affaire qui a déjà obligé le groupe à passer pour 18 milliards d'euros de provisions en vue des différents contentieux judiciaires. Et qui l'oblige aussi à se refaire une virginité en termes d'image.

C'est ce qui explique en partie la fin de la participation d'Audi sur le circuit endurance. "La décision sur l'endurance est avant tout une décision stratégique. Deux marques du groupe Volkswagen étaient présentes aux 24 heures du Mans, Audi et Porsche. Audi est l'un des rares spécialistes du moteur hybride diesel. Le groupe a ainsi fondé son succès sur un moteur V6 diesel. Porsche, lui, roulait sur un hybride essence", rappelle Pierre Bergeron, analyste spécialiste de l'automobile et de l'aérien chez Société Générale CIB.

"Mais depuis plusieurs années Audi jouait les seconds rôles. Et avec le scandale des moteurs truqués, Audi pouvait difficilement, pour des questions d'image, rester sur un moteur diesel. Ils se retrouvaient ainsi à la croisée des chemins. Soit ils se retiraient, soit ils passaient sur moteur essence et faisaient directement concurrence à Porsche. Or à l'heure où Volkswagen effectue une revue stratégique et cherche des sources d'économies il était impensable d'avoir deux marques en concurrence frontale", poursuit-il.

Cap sur l'électrique

La situation est quelque peu différente pour Volkswagen qui écrasait depuis quatre ans la concurrence en rallye. "Plus qu'une question de coût, il y a l'argument médiatique. Ce que l'on reproche au rallye, par rapport à la Formule 1 ou au championnat DTM, c'est que la couverture médiatique reste limitée avec un impact faible sur les ventes. C'est pourquoi peu de constructeurs (Kia, Hyundai, PSA) s'y engagent", considère Pierre Bergeron.

Le rallye et l'endurance font aussi les frais des nouveaux objectifs de Volkswagen. "Il faut rappeler que ces décisions sont concomitantes avec la revue stratégique du groupe qui compte réaliser en 2025 un tiers de ses ventes sur des véhicules à propulsion électrique. Le groupe avait présenté en ce sens un concept car électrique au Salon automobile de Paris", souligne l'analyste.

C'est notamment ce qui motive le virage pris par Audi sur la formule E. "Dans la mesure où notre production va être de plus en plus électrique, nos voitures de sport, en tant que fers de lance technologiques d'Audi, doivent faire de même", expliquait la semaine dernière Rupert Stadler, président du directoire d'Audi AG.

La Formule E, la parfaite vitrine

Dans cette optique, Volkswagen, comme PSA (via DS) et Renault, a trouvé sa parfaite vitrine technologique avec la Formule E. "C'est la discipline automobile qui est considérée comme celle qui a le plus grand potentiel dans le futur", soulignait d'ailleurs Audi dans un communiqué la semaine dernière.

La Formule E a surtout comme avantage de se déplacer dans de nombreux pays (une dizaine) et d'avoir comme théâtre les centres villes. Il est ainsi plus facile de cibler un public urbain.

"La Formule E va permettre de mettre en avant les forces de Volkswagen sur leur offre de véhicules électriques et leurs services de mobilité, notamment parce que les courses ont lieu dans les centres villes", juge ainsi Pierre Bergeron. "Il y a ainsi une publicité énorme pour les futurs services de mobilité pour les citadins. D'autant que les courses à Paris et Londres ont rencontré un franc succès", ajoute-t-il. De là à voir Sébastien Ogier se reconvertir en Formule E, et rejoindre ainsi Stéphane Sarrazin, (ex-pilote de F1, d'endurance et de Rallye) ou Nicolas Prost (fils d'Alain), il y a un pas à franchir…