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Pourquoi vous avez désormais peu de chances de voler dans un mastodonte des airs

Air France n'attendra pas 2020 pour cesser l'exploitation de l'A380

Air France n'attendra pas 2020 pour cesser l'exploitation de l'A380 - Air France

Les unes après les autres, les compagnies du monde entier renoncent Airbus A380 et des Boeing 747. L'avenir de ces deux quadrimoteurs était, il est vrai, scellé avant la crise. Mais la crise a accéléré leur mise au rebut.

Les gros porteurs, une espèce en voie de disparition… Mercredi dernier, la compagnie australienne Qantas a rangé au garage son ultime 747. Surnommé la "Reine des ciels" ou "Jumbo Jet", le mythique quadrimoteur de Boeing est en plein déclin, cinquante ans après sa première sortie d'usine. Avant Qantas, British Airways avait déjà précipité la fin de ses appareils, initialement prévue pour 2024. "Cela n'avait pas de sens de garder ces avions cloués au sol encore pendant plusieurs mois" résume Guillaume Hue, partner du cabinet Archery Strategy Consulting et spécialiste du secteur.

A l'instar du Airbus A380, les gros porteurs font les frais de la crise du coronavirus qui a paralysé –et continue de paralyser– le transport aérien. Leur capacité hors normes est devenue un handicap alors que le trafic mondial ne devrait pas retrouver son niveau de 2019 "avant 4 ans", estime Guillaume Hue.

"Les compagnies sont dans une logique de rentabilité" souligne-t-il. "Elles se sont énormément endettées ces derniers mois pour survivre à la crise et elles vont devoir générer de la rentabilité au maximum. Cela passe par des taux de remplissage élevés et donc des cabines plus petites.

A380, un échec commercial

Le 747, qui peut accueillir entre 400 et 600 passagers en fonction de la configuration, comme l'A380 capable, dans une configuration très densifiée, d'accueillir jusqu'à 800 personnes, ne répondent évidemment pas à cette exigence. En réalité, le modèle du gros porteur était déjà en perte de vitesse. L'A380 est même clairement un échec commercial. "Ces avions étaient loin d'être rentables" rappelle Guillaume Hue. "On pensait les positionner sur un certain nombre de liaisons long-courriers sur lesquelles ils seraient remplis. Or, dans les faits, les remplissages n'étaient pas au rendez-vous."

La stratégie d'Airbus était un développement du trafic "hub to hub" : un long-courrier pour lier les grands hubs mondiaux, avant que des courts ou moyen-courriers ne prennent le relais pour les aéroports moins importants. Un système par escale qui n'aura finalement jamais convaincu. A l'exception notable d'Emirates et, dans, une moindre mesure, de Qatar Airways et d'Etihad. Exit, donc, l'A380 que les compagnies du Golfe seront, sans doute, les dernières à faire voler. Tant qu'elles n'auront pas renouvelé leur flotte.

Le 747 aura eu une vie plus glorieuse. Mais sa consommation en carburant, les critiques autour de la pollution générée par les gros porteurs, auront aussi raison de lui.

Pas de nouveaux projets

Pour autant, les équipementiers sont déjà passés à une nouvelle ère. Airbus sortira son ultime A380 l'année prochaine (si le groupe ne décide pas d'accélérer ce calendrier) tandis que Boeing devrait mettre un terme à la fabrication du 747 dans les deux ans à venir. Clap de fin pour les quadrimoteurs, remplacés par des biréacteurs moins gourmands en fuel et plus faciles à remplir, comme l'A350 ou l'A321XLR d'Airbus et les 787 et 777X de Boeing.

Un retour à l'économie pour mieux rebondir vers des gros porteurs nouvelle génération? "Certainement pas" juge Guillaume Hue. "Le développement de nouveaux programmes coûte très cher et je ne pense pas qu'Airbus et Boeing aient les fonds pour de tels projets". D'autant que la feuille de route du premier est déjà établie: un appareil fonctionnant à l'hydrogène d'ici 2035. Un challenge complexe pour l'équipementier européen mais surtout qui coupe court à tout rêve de grandeur.

En attendant, l'A380 et le 747 entament leur crépuscule, près de 20 ans après la fin d'un autre géant déchu, le supersonique Concorde. Une fois de plus, Less is More

Thomas Leroy