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Pourquoi vous devriez négocier au plus vite une rupture conventionnelle

La négociation des indemnités supra-légales dans le cadre d'une rupture conventionnelle risque d'être plus difficile avec la réforme du code du Travail.

La négociation des indemnités supra-légales dans le cadre d'une rupture conventionnelle risque d'être plus difficile avec la réforme du code du Travail. - Janeb 13 - CC

La réforme du code du travail de Myriam El Khomri prévoit de plafonner les indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif. Mais cette disposition pourrait aussi avoir des effets collatéraux sur la rupture conventionnelle. Explications.

L'année 2015 fut une année record pour les ruptures conventionnelles. Près de 360.000 salariés ont choisi de quitter leur emploi grâce à ce dispositif de divorce à l'amiable. La perspective de partir avec un beau chèque permettant de financer un projet personnel a motivé beaucoup d'entre eux. Mais à l'avenir les négociations avec l'employeur pourraient se révéler plus difficiles.

En cause: le projet de loi sur la réforme du travail, porté par Myriam El Khomri. Le texte, actuellement en cours d'examen par le Conseil d'Etat, ne s'attaque pas directement à la rupture conventionnelle. Mais, dans sa forme actuelle, l'une de ses propositions pourrait par ricochet toucher les volontaires au départ: le plafonnement des indemnités prud'homales applicables en cas de licenciement "sans cause réelle et sérieuse'".

Avec moins de deux ans d'ancienneté, le salarié pourra toucher au maximum trois mois de salaire, avec moins de cinq ans d'ancienneté, six mois de salaire. Pour plus de vingt ans, le salarié ne pourra pas obtenir plus de quinze mois d'indemnités s'il choisit de contester en justice les conditions de son licenciement. Or l'employeur sera tenté demain de se retrancher derrière ce barème lorsqu'un salarié viendra le voir pour négocier son départ à l'amiable et cherchera à obtenir des indemnités supra-légales (1).

Le risque judiciaire comme grille d'évaluation

"La loi Macron prévoyait un dispositif d'encadrement des indemnités prud'homales. Le texte n'était pas encore passé que les employeurs avaient déjà le texte sous le coude comme référentiel", explique Sophie Aubard, co-fondatrice de l’Institut du Salarié. Le fait que l'article a été retoqué par le Conseil constitutionnel, n'a semble-t-il pas changé la situation.

Et pour cause. "Le raisonnement de l'employeur est calé sur ce que l'on appelle le risque judiciaire. Autrement dit, si les indemnités sont plafonnées à 15 mois, il ne va pas lâcher plus que ce qu'il risque au contentieux", détaille Maître Franc Muller, avocat en droit du travail au barreau de Paris. Surtout que l'employeur ne manquera de souligner que ces montants s'entendent quand sa culpabilité est prouvée. Dans le cadre de la rupture conventionnelle, c'est un accord entre les deux parties, le salarié n'a pas à subir un préjudice qui demande réparation.

Un plafond mais pas de minima

L'autre revers de cette proposition de loi est qu'il s'agit d'un plafond, et non d'une fourchette. Un salarié ayant 4 ans d'ancienneté peut espérer obtenir au maximum 6 mois… mais les Prud'hommes pourront aussi lui donner seulement 1 ou 2 mois d'indemnités. Et là aussi, cela va jouer dans la grille d'évaluation des employeurs. Ceux-ci pourront aisément fermer la porte des négociations, en expliquant au salarié que, s'il souhaite aller au contentieux, il n'empochera pas davantage. D'autant qu'il devra faire preuve de patience et payer un avocat. Un conseil si vous songez à quitter votre société: ouvrez les négociations au plus vite.

(1) Le montant de l'indemnité de rupture conventionnelle est au minimum égal au montant de l'indemnité légale de licenciement stipulée dans la convention collective. Le salarié peut négocier auprès de son employeur des indemnités supra-légales.

Coralie Cathelinais