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Pourra-t-on s'offrir du foie gras du sud-ouest pour le réveillon?

76% de la production française provient du Sud ouest.

76% de la production française provient du Sud ouest. - AFP- Rémy Gabalda

"Pour bloquer la propagation de la grippe aviaire, la production de canetons a été interrompue dans le sud-ouest. Depuis ce lundi, les exploitations doivent faire le "vide sanitaire" jusqu'à la mi-mai. Un timing serré qui devrait avoir un impact important sur les prix du foie gras pour les fêtes de fin d'année."

Dans les prés du sud-ouest, pas un seul canard à l’horizon. Depuis ce lundi 18 avril au matin et jusqu’au 16 mai, les animaux d’élevage doivent obligatoirement rester confinés à l’intérieur afin d’éviter le contact avec les oiseaux migrateurs, éventuellement porteurs du virus de la grippe aviaire. Ce "vide sanitaire" a été imposé par arrêté ministériel dans 18 départements après la découverte de plusieurs cas de grippe aviaire depuis le mois de novembre, dont un premier en Dordogne

Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. En fait, les canards gras n’étant élevés au grand air qu’au bout de sept semaines, cela fait déjà un mois et demi que les élevages se vident. Les exploitations doivent être assainies et les premiers canetons n’y remettront les pattes qu’après les contrôles des autorités sanitaires, au plus tôt mi-mai.

25% de production en moins

La production de canards gras aura donc été en partie gelée sur une période allant de mi-janvier à mi-mai. Pour la filière, c’est un coup dur. "Dans le sud-ouest, la production annuelle va être réduite de 25 à 30%, soit 8 à 9 millions d’animaux en moins", estime Marie-Pierre Pé, délégué générale du Cifog, le Comité Interprofessionnel des Palmipèdes à Foie Gras. Or, 76% de la production française provient de cette partie de l’Hexagone.

Evidemment, les éleveurs de canards gras ne sont pas les seuls impactés. Les répercussions se font aussi sentir sur les producteurs de maïs - acheté habituellement pour engraisser les canards - mais aussi, au-delà de la filière agricole, sur les abattoirs spécialisés, et toutes les entreprises qui transforment la viande puis vendent du foie gras, des magrets, des gésiers ou des confits de canard (conserveurs, traiteurs, restaurants…).

Chômage partiel

"Pour l’instant, nous avons la matière première nécessaire pour produire jusqu’à la fin du mois d’avril, mais ensuite, je vais être obligée de me fournir en Vendée et dans les Deux-Sèvres pour un prix supérieur de 30%", témoigne Sandrine Gatti, la gérante de Marquisat, l’un des principaux conserveurs de Haute-Garonne. "Nous nous posons la question du chômage partiel pour certains salariés. Je ne sais pas encore si j’embaucherais des saisonniers en fin d’année comme nous le faisons habituellement", poursuit-elle. Chez le concurrent Samaran, l’inquiétude se faisait déjà sentir en janvier, comme le racontait alors France Bleu. En France, la filière de production du foie gras représente environ 30.000 emplois directs et une centaine d’emplois indirects, d’après le blog du Cifog. Ils produisent plus de 19 600 tonnes de foie gras par an, 26.000 tonnes de magrets et 13.000 tonnes de confits. 

130 millions d'euros d'aides publiques

Pour les aider à faire face à cette crise, le ministère de l’Agriculture va débloquer une enveloppe de 130 millions d’euros. Stéphane Le Foll s'y en est engagé le 26 janvier. Ces millions serviront à indemniser les accouveurs, éleveurs et gaveurs de palmipèdes impactés. Dans le détail, 25 millions serviront à financer l’assainissement des exploitations et 105 millions seront attribués au cas par cas pour compenser les pertes liées à cette opération "vide sanitaire".

Certains agriculteurs pourront aussi bénéficier d’exonérations de cotisations sociales sur les emplois en CDI, sous réserve d’acceptation de leur dossier. Celles-ci sont aussi envisagées pour les entreprises d’abattage et de transformation mais pour l’instant les modalités précises demeurent indéfinies. "Lorsqu’un salarié au SMIC est mis en activité partielle, c’est-à-dire au chômage technique, il représente une charge de 350 euros par mois pour son employeur. Or, jusqu’à 4.000 salariés pourraient être concernés pendant près de 4 mois. La filière aval demande donc un gel des cotisations salariales pendant 2 ans", explique Marie-Pierre Pé du Cifog.

Si une avance sur trésorerie équivalente à 60 millions d’euros est prévue pour les PME, les entreprises de plus de 250 salariés -dont Labeyrie et Delpeyrat-, sont exclues du dispositif. Or, elles sont les principaux fournisseurs de la grande distribution.

Impact pour le consommateur

"Le manque de volumes et le coût plus élevé des matières premières risque de tendre les négociations avec les grandes surfaces, et d’aboutir à une augmentation des prix de l’ordre de 5 à 10%", prévient Marie-Pierre Pé. La contamination d’élevages par le virus H1N1 fin 2015/début 2016 risque donc d’impacter le consommateur au moment des fêtes de fin d’année. Côté vente directe, dont la haute saison se situe en été avec le séjour des touristes, les prix pourraient également monter avec une raréfaction des produits, étant donné le gel partiel de la production en début d’année.

À l’export, le Japon a décidé de stopper toutes ses importations de volailles françaises depuis le 4 décembre 2015. Les ventes vers Taïwan et Singapour sont également figées, alors que ce marché représentait jusque-là des relais de croissance. Au total, le Cifog chiffre à 270 millions d’euros le coût de cette crise sanitaire pour la filière sud-ouest du foie gras.

Adeline Raynal