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Prêts garantis par l'État: derrière les excellentes statistiques officielles, des TPE en détresse

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Officiellement, le taux de refus des demandes de PGE en France est minime: 2,7%. Officieusement, de nombreuses TPE ne parviennent même pas à obtenir une réponse de la banque.

C'est un des grands succès dans cette crise économique. Le PGE (prêt garanti par l'Etat) a fait ses preuves, en témoigne les excellents chiffres rapportés par Bercy: 113,3 milliards d'euros accordés, selon les derniers chiffres publiés le 17 juillet dernier. Surtout un taux de refus ridicule, seulement 2,7%.

La preuve que les banques ont joué le jeu, comme le rappelle la fédération bancaire française. "Depuis le début de la crise sanitaire, les banques sont fortement mobilisées pour leurs clients et ont à cœur de les soutenir dans cette période difficile. Dès le 25 mars, elles ont mis à disposition des entreprises le PGE dont les chiffres ont prouvé la montée en puissance rapide" assure la fédération.

Sans aucun doute, les sommes investies sont considérables. Pourtant, les contre-exemples se multiplient ces derniers mois. En avril dernier, le Syndicat des Indépendants (SDI) a même lancé une première alerte: après consultation de 1087 TPE, le syndicat avait constaté que la moitié d'entre elles avait tout le mal du monde à obtenir ce fameux PGE. "Aujourd'hui, les jeux sont faits" déplore Jean-Guilhem Darré, délégué général du SDI.

Mi-juillet, deux chercheuses, l'une de l'Université Paris-Est Créteil Val de Marne et l'autre de Science Po, ont publié leur propre enquête sur cette situation. Avec un constat similaire: les refus seraient plus nombreux que dans les statistiques officielles.

Refus oral ou... pas de réponse

Ces chiffres officiels doivent être pris avec quelques pincettes. "Au niveau des statistiques, on ne va remonter que les dossiers qui ont été montés puis refusés", explique Jean-Guilhem Darré. "Mais on ne comptabilise pas les entreprises qui n'ont pas eu de réponse ou qui ont eu un refus oral de la part de leur conseiller bancaire."

Ce qui évite de monter un dossier et donc de faire gonfler les chiffres des refus. Beaucoup de dossiers sont refusés par les conseillers avant même d'être montés, confirme une source syndicale du secteur bancaire.

Cela ajoute d'ailleurs un inconvénient de taille puisqu'il faut une réponse écrite de la banque pour saisir ensuite le Médiateur du crédit, dernier recours en cas de refus. De la même façon, jusqu'à récemment, les TPE ne pouvaient bénéficier du volet élargi du fonds de solidarité, seulement si elles recevaient un refus de PGE. Encore faillait-il obtenir ce fameux refus…

Quelle cote? Quelle note?

En réalité, même si le PGE est garanti à 90%, toutes les banques ne procèdent pas de la même façon. Si les banques mutualistes semblent faire l'unanimité auprès des entreprises, d'autres établissements ont clairement serré la vis d'entrée.

Elles se basent ainsi sur la cote des entreprises auprès de la Banque de France. Une mauvaise cote entraîne souvent le refus. Pour les TPE, c'est plus complexe car, en dessous de 750.000 euros de chiffre d'affaires, elles ne sont pas cotées.

"Dans ce cas, les banques vont utiliser un système beaucoup plus opaque, leur notation interne" indique Jean-Guilhem Darré. "Il faut savoir que la notation est assez stricte : une entreprise qui a eu un incident de paiement, même il y a un an ou deux est considérée comme fragile."

450.000 TPE sans PGE?

De leur côté, les deux universitaires ont été confrontées avec des situations presque ubuesques. "Le même scénario nous a été souvent relaté par des chefs d’entreprises: le conseiller bancaire était d’accord pour le prêt, mais le compte a été temporairement en dépassement de découvert – précisément car l’entreprise traversait une période de difficulté de trésorerie et avait besoin du prêt pour la combler – ce qui a fait chuter la note et a interdit au conseiller bancaire de faire le crédit", expliquent-elles.

Dans un contexte de taux bas, les banques ne pouvaient, en réalité, faire abstraction des conditions financières. Certaines entreprises étaient déjà fragiles avant la crise et d'autres, dans le secteur du tourisme ou du spectacle vivant, ont encore une visibilité très sombre sur leur avenir. Mais les chiffres de refus affichés par Bercy semblent clairement sous-évalués. Selon le SDI, environ 30% des TPE qui ont demandé un PGE ont essuyé un refus. Soit près de 450.000 entreprises…

Thomas Leroy